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22 novembre 2006

Un drame au Labrador

Eugène Dick, Un Drame au Labrador, Montréal, Leprohon & Leprohon, 1897, 128 pages (Dessins de Edmond J. Massicotte)

Vers les années 1840, à Kécarpoui, sur la Basse-Côte-Nord, vivent les Labarou. Il y a le père Jean (Jean Lehoulier de son vrai nom), sa femme Hélène, leur fils Arthur et leur fille Mimie. En plus, un neveu, Gaspard, dont les parents sont décédés, vit avec eux. Ils sont seuls dans ce coin perdu que visitent parfois les Autochtones et, une fois l’an, un bateau qui les approvisionne. Vient aussi un missionnaire. Pourquoi vivent-ils dans un endroit aussi isolé? Parce que le père a tué un homme, en légitime défense, ce qu’il n’a pas réussi à prouver et, donc, a dû quitter Saint-Pierre et Miquelon.

La famille s’agrandit, lorsqu’en 1850, au cours d’une excursion, Arthur et Gaspard sont témoins de la mort d’un Abénaki et vont ramener avec eux son fils Wapwi, dorénavant orphelin.

Pourtant, la véritable histoire débute lorsqu’une autre famille (les Noël), issue également de Saint-Pierre et Miquelon, vient s’établir sur l’autre rive de la Kécarpoui. Cette famille, en plus d'une veuve, compte deux garçons et une fille, Suzanne. Comme, parfois, le hasard fait mal les choses, il se trouve que cette famille est celle de l’homme que le père Labarou a assassiné, dix ans plus tôt.

Ici, le récit bifurque et prend l'allure d'une histoire d’amour classique, avec triangle amoureux,  compliqué par des histoires de famille. En effet, c’est le coup de foudre entre Arthur Labarou et Suzanne Noël. Leur idylle est menacée quand ils découvrent (c’est Gaspard qui s’est ouvert là-dessus) que le père d’Arthur a tué celui de Suzanne. On apprend même que le père Labarou et la mère Noël sont d'anciens amoureux et que la jalousie a déclenché la malheureuse rixe qui a conduit à l'exil des Labarou. Contre toute attente, cet obstacle est rapidement levé : les deux anciens amoureux s'expliquent et le cas de légitime défense est accepté.

Comme il se doit dans ce type de roman, un autre obstacle se présente. Gaspard Labarou (le cousin), qui jusqu’ici penchait pour sa cousine Mimie, est lui aussi follement épris de la belle Suzanne. Et il est prêt à tout pour la ravir à son cousin. D’abord, il coupe au trois quarts un tronc jeté sur la rivière au-dessus d’un torrent, sachant que son cousin allait l’emprunter pour rencontrer sa dulcinée. Le stratagème aurait réussi sans l’intervention de Wapwi qui sauve Arthur.

Comme le missionnaire doit venir bientôt et qu’il n’a plus de temps à perdre, Gaspard, fou de rage, use d’une stratégie diabolique. Lui et Arthur doivent se rendre sur une île pour chasser des canards, justement pour enrichir le repas de noces. Or, cette île à marée haute disparaît sous quelques mètres d’eau. Au moment propice, il abandonne son cousin sur l’île. Wapwi, doté d'une préscience tout autochtone, va déjouer le projet diabolique de Gaspard. Bravant la tempête qui s'est levée, il accourt avec un bateau qui, malheureusement, coule lorsqu’il allait faire contact avec Arthur. Qu'est-il arrivé à ce dernier? On l'ignore, car le narrateur l'abandonne à son sort et accompagne Wapwi que les puissantes vagues ramènent sur la rive. Quant au vilain Gaspard, pendant que les deux autres luttaient pour leur vie, il a été projeté sur un rocher avec son bateau et blessé, ce qui l'arrange, car cela lui permet de camoufler son horrible crime.

Tout le monde croit Arthur mort (sauf Wapwi qui espère qu'Arthur ait pu saisir le bateau). Gaspard, avec l’aide de Thomas, autre esprit mal tourné (les deux font ensemble du trafic d’alcool dans l'estuaire du St-Laurent) essaie d’obtenir l’attention de Suzanne. Il y réussit, lors d'une pêche hivernale sur la banquise, lorsqu’il la sauve (elle est sur un bloc de glace qui s’est détaché de la banquise). Elle finit par lui promettre de l’épouser.

Voici revenu l’été et le temps des épousailles, un missionnaire passant par là. Voici venu le jour  fatidique où Gaspard et la pauvre Suzanne doivent unir leur destinée. Voici la modeste cérémonie nuptiale qui commence... Coup de théâtre, à la toute dernière minute, Arthur arrive. D'où vient-il, celui que tout le monde croyait mort (sauf Wapwi, bien entendu)? Il a été sauvé par la barque que le jeune Autochtone lui avait apportée et recueilli par un bateau qui se dirigeait en Asie. Là, cueilleur de perles, il a fait fortune, est revenu, s’est acheté une belle goélette à Terre-Neuve, et le voici, frais et dispos. Suzanne, au moment même de prononcer le fatidique «oui», l'apercevant, toute heureuse, lance un « non » retentissant. Gaspard, piteux, découvert, déconfit, réussit à s’enfuir avec son complice. On célèbre un double mariage dans la baie de Karcapoui : celui de Suzanne et d'Arthur et celui de Mimie et du plus jeune fils des Noël (une ou deux phrases du roman le laissaient présager).

Comme on lit un récit d’aventures, on doit accepter certaines invraisemblances et coïncidences par trop extraordinaires (les Noël qui arrivent dans le même coin perdu, Arthur qui survit et qui surgit à la seconde près). Certains personnages sont peu crédibles, surtout Gaspard qui change trop vite et Thomas qui s'acoquine avec lui. Le lieu du récit, Grand Mécatina, est plus qu'intéressant : la basse-côte-nord (le Labrador à l'époque) est absente de la littérature québécoise. Les Autochtones sont présentés de façon positive. Le style est vif, les dialogues sont nombreux, c'est facile à lire. Belles illustrations de Massicotte. On trouve ce roman sur le site de Jean-Yves Dupuis.

Eugene Wenceslas Dick (1848-1919) est né sur l'Île d'Orléans et a presque toujours vécu dans la région de Québec. Il était médecin. Il a collaboré à différents journaux. Il a publié, outre Un Drame au Labrador, Le Roi des étudiants (188?), L'Enfant mystérieux (1890) et Pages canadiennes. Légendes et revenants (1918).

Eugène Dick sur Laurentiana
Un drame au Labrador
L'Enfant Mystérieux

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