18 février 2008

Divers

Philippe Aubert de Gaspé,
Divers, Montréal, Beauchemin, 1924, 123 pages. (1re édition : 1893)


L’éditeur nous avertit en avant-propos qu’il a « découvert le manuscrit de l’auteur parmi des papiers de famille ». Il demande au « lecteur bienveillant de prendre en considération que ce sont les derniers écrits d’un octogénaire, qui est décédé avant d’avoir eu l’avantage de pouvoir les repasser ».

Femme de la tribu des Renards
Monsieur Couillard, surpris par une tempête sur le Saint-Laurent, est obligé de gagner la rive près de Berthier. Sur place campent des Abénakis. Avec eux vit une jeune esclave de douze ans de la tribu des Renards (Iroquois). Tout le monde, et surtout les enfants, la martyrisent, tant et tant que la jeune fille s’en trouve fort mal en point. Pris de compassion, Monsieur Couillard réussit à l’échanger contre un fusil et la ramène chez lui. Cette Autochtone va vivre toute sa vie avec les Couillard, développant une relation très maternelle avec leur fils. D’ailleurs, plusieurs années plus tard, le fils Couillard et l’Autochtone seront pour ainsi dire réunis dans la mort, puisqu’ils mourront presque en même temps.

Le Loup-Jaune
Plusieurs Indiens plantaient leur tente sur la grève d’un terrain qui appartenait à la famille de Gaspé. Entre autres, il y avait un vieux Malachite qui pouvait bien avoir cent ans. Il lui manquait quelques doigts et quelques orteils, conséquences de deux séances de torture que lui avaient fait subir les Iroquois. S’il s’en était tiré, c'est qu’il possédait un don de ventriloque dont il se servait pour apeurer ses ennemis.

La statue du général Wolfe
Qui a créé la statue de Wolfe qui trônait à « l’encoignure des rues du Palais et Saint-Jean »? Est-ce Ives Cholet? Avec moult dates à l’appui, De Gaspé va démontrer que ce ne peut être Yves Cholet mais plutôt certains de ses frères. L’auteur en profite pour raconter l’histoire de cette famille.

Le village indien de la jeune Lorette
1816. L’auteur rencontre Grand Louis, un Huron célèbre, sur le bord du lac Saint-Charles. Cet Autochtone est reconnu pour son intelligence, son sens de la répartie. De Gaspé, moyennant quelques rasades de brandy, lui fait raconter la légende du Grand Serpent, ce mauvais esprit à l’origine de la quasi-disparition des Hurons. En fait, le Grand Serpent, ce serait le petit Manitou que les Autochtones adoraient avant la venue des Européens. Un Autochtone, Otsitsot, aurait vendu son âme au petit Manitou pour obtenir plaisir et richesse. Ainsi attira-t-il la malédiction sur son peuple. À l’heure de la mort, il voulut se faire pardonner sa vie de débauches par une Robe noire, mais le petit manitou se chargea de cueillir l'âme de ce renégat.

Dans les deux premiers et le dernier récit, De Gaspé donne la parole aux Autochtones. Il se contente de mettre par écrit ce qu’on lui a raconté. D’ailleurs, il met en scène le moment où il recueille le récit. Artifice de narrateur ou honnêteté intellectuelle? Il est également présent dans le troisième récit, mais cette fois-ci, comme premier narrateur d’un récit qui tient davantage du documentaire que de la fiction. Bref, ces histoires ne sont pas présentées comme des fictions mais plutôt comme des souvenirs personnels. Bien entendu, les témoignages fictifs ou réels sur la vie des Autochtones, au début du XIXe siècle, sont toujours intéressants. On regrette toutefois que les récits de De Gaspé soient racontés avec si peu de vivacité.

Extrait
Le souper était fini ; et monsieur Couillard, assis sur le sable devant le wiggam de son hôte, fumait la pipe en devisant de guerre et de chasse avec le vieil Indien, lorsqu'un cri perçant lui fit lever la tête, et une jeune Sauvagesse de onze à douze ans, poursuivie d'autres enfants, dont une tenant un tison ardent, vint se réfugier près de lui. La malheureuse avait l'œil droit ensanglanté.
Monsieur Couillard, après avoir mis en fuite ces noirs diablotins, demanda au vieux chef, qui continuait à fumer en silence comme s'il n'eût rien vu, pourquoi ils permettaient à leurs enfants des jeux aussi cruels ?
« C'est une esclave ! » répondit l'Indien en montrant l'enfant du doigt avec un geste de mépris, et en haussant les épaules.
« Dieu de bonté ! s'écria monsieur Couillard, c'est une esclave ! Elle mangera, quand les autres seront repus, les restes qu'elle disputera aux chiens de ses maîtres, et elle a à peine douze ans ! Elle dormira quand ses bourreaux seront las de la torturer, et elle a à peine douze ans ! Elle sera vêtue pendant les saisons rigoureuses des haillons que les autres auront rejetés, et elle a à peine douze ans ! Elle n'entrera dans le wiggam de ses maîtres, pendant l'hiver, que si les autres enfants ne prennent pas un plaisir cruel à la voir transie de froid grelotter sur la neige, et elle a à peine douze ans ! Elle paraît d'une constitution robuste, et elle souffrira un long martyr, car elle a à peine douze ans ! »
Et l'excellent homme, déchirant un mouchoir pendant cet aparté, en faisait une compresse imbibée dans l'eau froide, qu'il appliqua sur l'œil à demi crevé de la malheureuse esclave. (p. 32-33)


Aubert de Gaspé sur Laurentiana
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