13 septembre 2007

Le Jeune Latour

Antoine Gérin-Lajoie, Le Jeune Latour, Montréal, Réédition Québec, 1969, 55 pages.

Gérin-Lajoie composa cette pièce à 18 ans. Elle fut jouée en 1844, par ses camarades lors de la séance de fin d’année. À cette occasion, elle aurait été publiée en brochure et dédiée à Lord Metcalfe. John Huston l’a aussi publiée dans Le Répertoire national (1848, p. 5-49). Le sujet en est inspiré d’un fait historique que Gérin-Lajoie aurait trouvé dans L’Histoire du Canada (1843) de Michel Bibaud. En 1630, un officier, Charles de La Tour, refuse d’abandonner l’Acadie aux Anglais après la reddition de Québec.


ACTE I
La France a capitulé (1630), mais il reste encore quelques poches de résistance, notamment en Acadie. L’une, à Cap-de-Sable, est défendue par Roger Latour. Son père, qui a épousé une fille de l’Albion, débarque avec la mission de le convaincre de céder cette partie de l’Acadie. Le père, accompagné de l’ancien précepteur de son fils, organise une rencontre, pensant pouvoir le convaincre facilement de se joindre à eux et de profiter des largesses de la cour anglaise. Surprise ! Le jeune Latour refuse de leur remettre les clefs du fort.

ACTE II
Le père, toujours accompagné de l’ancien précepteur, rencontre une nouvelle fois son fils. Rien n’y fait, ni les pleurs, ni les prières, ni les menaces. Pour Roger, le sentiment patriotique passe avant le sentiment filial.

ACTE III
On assiste à une troisième et dernière tentative de faire fléchir le fils. Les paroles sont dures. Le fils, malgré son amour pour son père et son précepteur, refuse de céder. Le père n’a plus le choix. Il lance son armée contre celle de son fils, sûr de sa victoire. Mais c'est l’armée du fils, avec ses amis autochtones, qui met en déroute l’armée anglaise. Le père et le précepteur sont faits prisonniers. Roger leur pardonne et les invite à se joindre à eux.

Ce qui était une tragédie se dénoue en tragi-comédie. Le jeune Gérin-Lajoie reprend un ressort dramatique connu, celui du dilemme cornélien : rappelez-vous Rodrigue qui devait opter entre l’amour de Chimène et l’honneur de sa famille. Sauver son honneur en combattant le père de Chimène ou conserver Chimène en perdant son honneur ? Bien entendu, Gérin-Lajoie ajoute une petite variante. L’amour filial tient lieu de l’amour d’une femme.

C’est un genre de littérature vraiment d’une autre époque, avec des tirades qui n’en finissent plus, etc. Il est bien évident que Gérin-Lajoie n’est pas Corneille, et encore moins Racine. Le tout est plutôt répétitif. On retrouve à peu près trois fois la même scène, avec à peu près les mêmes arguments. Les personnages secondaires ne sont pas très bien intégrés à l’intrigue. Ceci étant dit, cette maîtrise de la langue, pour un jeune homme de 18 ans, est admirable. Voir la pièce sur
BEQ.

Extrait
ACTE 3 SCENE II - le père, Roger

Le père
O Roger, je t'implore, Épargne-moi l'horreur de combattre mon fils.
Roger
Mon père, mes tourments ne sont donc pas finis ?
Si je perds mon honneur vous en serez la cause !
Le père
Je veux tout obtenir, et je ne me repose
Que lorsque j'aurai vu couronner mes combats.
Roger
A vos premiers projets vous ne renoncez pas?
O mon père ! s'il faut que je vous sacrifie
Un bien qui m'est plus cher que celui de la vie . . .
Je n'en ai pas le droit.
Le père
Mais quel est donc ce bien ?
Roger
C'est mon devoir.
Le père
Quoi donc ! pour toi je ne suis rien !
Roger
Oui, vous êtes pour moi tout après ma patrie.
Le père
Ce que je te demande, est-ce une perfidie ?
Roger
J'enfreindrais les serments que j'ai faits à mon roi ;
Auprès de mon pays je trahirais ma foi.
Le père
Qu'en résulterait-il ? une légère offense.
Roger
La fureur, des remords, la peur de la vengeance,
Le cri de mon honneur, le désespoir enfin.
Le père
Non, livrez-moi ce fort, livrez-moi ce terrain,
C'est tout ce que je veux.
Roger
O désir trop funeste !
Vous allez me ravir tout l'espoir qui me reste.
Le père
Roger, perdre ce Cap, est-ce un si grand malheur ?
Roger
Vous le livrer serait vous livrer mon honneur.
Ce sol n'est pas à moi, mais il est à la France ;
Louis en est le maître, et j'en ai la défense.
Le père
L'honneur ! c'est un vain nom que la langue des rois
Se plaît à répéter pour soutenir leurs droits
Contre ceux qu'établit l'auteur de la nature ;
O vertu filiale, et si noble et si pure !

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