Madeleine Ferron, Cœur de sucre, Montréal, HMH, 1966, 221 p. (Coll. L’arbre)
Disons au départ que 22 des 24 récits qui composent le recueil ne sont pas vraiment des contes, même si cette notion est devenue très difficile à cerner depuis Maupassant. On a plutôt affaire à des saynètes, à des moments de vie saisis sur le vif. À ceux-là s’ajoutent deux contes fantastiques : « La souris prédestinée » et « La visite ».
Madeleine Ferron a vécu une partie de sa vie en Beauce. Elle raconte des faits quotidiens, les aléas de la vie des gens qu’on qualifie, à tort ou à raison, d’ordinaires. Les personnages se retrouvent devant un événement qui vient à peine perturber leur vie trop uniforme ou devant une action qui contrevient à l’ordre établi ou à la lourde morale de l’époque.
L’intérêt du recueil tient dans la plume de l’autrice : elle sait repérer les événements, banals en soi, mais porteurs de sens; elle saisit avec acuité les motifs qui poussent les individus à agir de telle ou telle façon; elle est juste assez malicieuse (ou féroce), parce qu’on sent qu’elle aime bien ces villageois. Ferron porte souvent son regard sur la situation des femmes, parfois prisonnières d’un mariage qui ne leur convient plus.
Coeur de sucre : Des jeunes ont entaillé plus tôt que prévu. Le père parti, c’est la fête.
La jarre : Encan au sujet d’une cruche que deux voisins se disputent.
Le don de dieu : Langelier, pendant que les maris sont au chantier, soigne les femmes avec son sexe.
Julie : Julie, après la mort subite de son mari, dérape complètement.
Francoune, ma francoune : Un avocat doit défendre un homme qui a tué sa femme… après lui avoir fait 13 enfants.
Le peuplement de la terre : Une jeune fille de 13 ans vient de se marier.
Les termites : Aussitôt le testament lu, les frères et les sœurs dévalisent la maison.
La rentrée : Une femme en tenue de plage lors de la rentrée chez les Ursulines.
Mission ratée : Le prône d’un prédicateur féroce se termine mal.
La souris prédestinée : Une jeune fille transformée en souris.
Le cercueil apprivoisé : Un embaumeur achète du bois et offre des cercueils en retour.
L'incroyable terminus : Au salon mortuaire, les compliments tout faits.
Le pardon refusé : Un marguillier en lutte contre le vicaire.
La chouette : Une voisine surveille son voisin.
Les vertus des anges : Trois garçons se paient la tête d’un « idiot » en lui faisant chanter le « O Canada » sur un tas de fumier.
La maladie : Jeanne n’a vécu que pour ses fleurs.
Le jour inachevé : Élise est troublée par la vue d’un homme qui vient lui livrer des poulets.
Le cousin de Jerry : Invitation rejetée et remords.
Les animaux, nos frères : Irène quitte son mari et s’installe chez un célibataire.
La fin d'un artiste : L’homme le plus sociable du village perd la voix.
La visite : Un sucrier, qui dort dans sa cabane, est visité par un revenant.
Le créateur : Il voulait devenir inventeur.
Le « pit de gravelle » : Deux amoureux mettent fin à leur vie.
Le manchot : Linière a perdu un demi-bras dans un moulin à scie.
« Les contes de Madeleine Ferron mettent en scène des petites gens pris sur le vif dans leur quotidien : la veuve éployée, les retraités, les pauvres vieilles filles, l’idiot exploité et ridiculisé, le fainéant, le menuisier, le commerçant, le cordonnier, le préposé à la voirie municipale, l’artiste, le don juan raté pourtant gratifié d’un don spécial, la femme adultère… L’auteur s’amuse à décrire, sans folklore, des situations de tous les jours : la rentrée scolaire, la prédication du curé, la partie de cartes, la distribution du courrier à la campagne, le mariage et le voyage de noces à la ville où l’on s’ennuie, ou encore l’encan ou la veillée funèbre. Publié à l’origine dans la célèbre collection « L’Arbre », aux Éditions Hurtubise HMH en 1966,Cœur de sucre marquait l’entrée de Madeleine Ferron dans la littérature québécoise. » (présentation de l’édition BQ)
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