20 juillet 2025

Philtres et poisons

Philippe La Ferrière, Philtres et poisons, Montréal, éd. du cerbère, 1954, 167 p. (Avant propos d’Alain Grandbois) (Illustrations de l’auteur)

J’ai déjà présenté un recueil de La Ferrière (1891-1971) : La rue des forges, publié en 1932. Celui-ci est un peu différent, sans doute moins mordant, plus traditionnel. La Ferrière continue de doter ses personnages de noms abracadabrants, mais la plupart sont tout au plus des excentriques.

 

L'incorrigible

Hippolyte Fému a épousé Zéphirine Bardacier, bien que ce ne soit pas le grand amour. Il l’aime bien sans plus, mais elle est riche. L’omniprésence de la belle-mère dominatrice complique sa vie de couple. Quand celle-ci disparaît, les choses ne s’arrangent point. Il fuit la maison, se tient dans les bars. Elle essaie de le reconquérir sans grand succès.

 

Un raffiné

Fong Lee est cuisinier dans un camp de bûcherons. C’est un raffiné. On le malmène, on se moque de lui, jusqu’à ce que le patron exige qu’on le laisse tranquille. Il les remercie et leur assure de sa gratitude : « Et, pour demeurer fidèle à la parole donnée, il cessa à l'heure des repas, d'imiter devant l'énorme soupière, le geste du Mannekin-Pis. »

 

Fantaisie sur un thème ancien

Zikda, une danseuse des Folies bergères, a été enlevée par le prince Rachid qui l’a amenée dans son pays. Félix le Mauricien (le lien n’est pas clair, mais tout indique qu’il en est amoureux) part à sa recherche. Le prince étant absent, on assiste à une mise en scène fastueuse, qui fait appel à tous les sens, de la part de Zelda pour reconquérir Félix.

 

Un érudit

M. Marmonnet, sa femme et M. Batistant se dirigent vers Percé. Ce dernier cherche des pêcheurs qui accepteraient de jouer dans son prochain film. Quant à M. Marmontel, il veut écrire un livre sur eux. Ce dernier engage un marin pour une excursion en mer. Il le questionne, le ridiculise, lui sert ses références latines à tout propos. Mais quand une tempête se lève, les connaissances livresques ne servent plus à rien…  Image sympathique de la Gaspésie.

 

Feu de paille

Mathias Dutremplin et Gisèle Crèvecoeur sont mariés depuis 10 ans. Madame, que le mari considère comme un beau bibelot, s’ennuie. Gérard Panthois, un ami du couple, amoureux depuis toujours de Gisèle, lui déclare sa flamme. Elle joue le jeu pendant une soirée sans aller trop loin. Elle avoue le tout à son mari. Ce dernier rencontre Panthois et lui reproche de ne pas avoir « satisfait le désir » de sa femme.

 

L'argent ne fait pas le bonheur

Nérée Pingoin, un forgeron vaillant et bon enfant, gagne une forte somme à la loterie. Il quitte son emploi et part avec femme et enfants pour Montréal. Il revient, sans femme et enfants, cinq ans plus tard, complètement ruiné et reprend son travail de forgeron. Les années passent, sa femme revient et ne voilà-t-il pas qu’il hérite d’une forte somme de son oncle défunt. « Je peux pas croire, batèche, que tout l’trouble va recommencer! … »

 

On est partagé en lisant La Ferrière. D’une part, on devine un esprit cultivé, mais en même temps ses récits sont languissants, manquent de vivacité. Il y a bien une chute parfois surprenante, mais est-ce suffisant? Est-ce dû au style très classique de son auteur? Ses personnages et leur drame n’arrivent pas à nous toucher et, contrairement à ce qu’on lisait dans son précédent recueil, la fantaisie n’est pas au rendez-vous.


Petite énigme autour de l’année de publication de cet ouvrage : en juillet 1948, dans Le petit journal, on annonce que Philtres et Poisons paraitra bientôt. Le 31 octobre 1948, dans Le Devoir paraît une publicité de Montréal Éditions où figure Philtres et poisons. En décembre 1950, dans L’Amérique française, on nous dit que « Noël des gueux » est extrait d’une nouvelle parue dans Philtres et poisons (elle ne s’y trouve pas dans l’édition de 1954) : « Noël de gueux » est extrait d’un recueil de contes intitulé Philtres et poisons; Il représente la première partie de « Nos actes nous suivent », un récit où le héros Arsène Bourré incarne le type du parfait cabotin ». Pour finir, dans le DOLQ, on ne fait aucune mention d’une édition en 1948. Rien non plus sur la BanQ ou sur SOFIA. Pourtant, tout semble indiquer qu’une première version, différente de la seconde, celle que j’ai, a été publiée en 1948. À compte d’auteur? À très petit tirage?  Édition privée?

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