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28 mai 2024

Pornographic delicatessen


Denis Vanier, Pornographic delicatessen,
Montréal, Editions Estérel, 1968, n.p. (Préfaces de Claude Gauvreau et Patrick Straram; photographie de Michel St-Jean)

Petites fantaisies, la première (à la Andy Warhol) et la quatrième de couverture sont inversées et les deux préfaces se retrouvent à la fin du recueil.

Le recueil semble contenir trois parties, non titrées, mais dédicacées et-ou précédées d’une épigraphe. Au moins une page blanche nous signale le changement de parties. The Fugs, Bob Dylan, les Hell’s Angels et sa femme Myriam sont les dédicataires de la première partie. En exergue, on lit une citation de Bob Dylan qui reprend une idée de Lenny Bruce. « Lenny Bruce says there are no dirty word… just dirty mind ans I say there are no depressed words just depressed minds. » La seconde partie, non dédicacée, est coiffée d’une citation de Gregory Corso : « I hate old poetman ».

Dans ces deux premières parties, on a souvent l’impression de se retrouver devant des instantanées ou de courtes scénettes dont le référent nous échappe. L’omniprésence du sexe et de la drogue, le plus souvent métaphorisés, mais aussi de la guerre, l’alcool, la religion, New York, les maladies et certains personnages connus de l’« underground » (Ginsberg, Péloquin, Gauvreau) en sont l’inspiration. On ne peut pas dire qu’il y a des revendications très affirmées, l’auteur se contentant d’allusions, d’images percutantes. Les vers (leur disposition entre autres) me semblent travaillés dans le sens d’une déstructuration, donc de l’embrouillage. En raison de l’omniprésence de l’anglais, on comprend que son inspiration est teintée de la culture américaine. L’atmosphère y est le plus souvent celle d’un « bad trip ».

La troisième partie du recueil, dédiée à William Burroughs et Patrick Straram, porte deux citations en exergue : « These boots are made for walking » (Chanson de Nancy Sinatra) et « Vous avez vu les robes de Jenny Rock à la Place des Arts? Atroce » (Journal Montréal Matin) On est loin de l’underground : ce sont deux chanteuses pop.

Cette partie, plus accessible, relaie une poésie, très chargée, mais qui présente une certaine continuité dont on peut extraire du sens. En fait, il reprend là où il a nous laissés dans « Je », son recueil précédent.

Vanier pose un diagnostic virulent sur la société qui brime l’être humain de bien des façons. Le tout commence par les carcans (religieux ou sociaux) qui nous empêchent de nous exprimer : « nous sommes congelés d’un mutisme d’époque ». Selon lui, on serait coincé dans « l’embouchure d’un passé perpétuel ». Le risque, l’audace, depuis toujours, ont été réprimés : « Le rêve cloîtré au sel du quotidien / s’ensoleille d’un orgasme de l’épouvante / sur l’inertie des forains séculaires ». « L’écriture — à force de bâtir des églises / où pourrissent dans la pénombre / les artères éclatées des statues de l’ordre — / est un piédestal aux déchus ». « Nous sommes morts d’avoir brandi trop haut certains drapeaux encore tout ruisselants du sang des damnés ».

Gauvreau écrit en préface (ou postface) : « Denis appartient à cette génération de jeunes penseurs qui parachèvent exemplairement le saccage de tous les tabous. »

Straram, dans sa postface de 32 (!) pages, que j’ai lue en diagonale, ne parle pas de Vanier mais de lui-même. Il attaque ses ennemis littéraires, case les uns et les autres dans de petites boîtes. Surprenant quand même de retrouver Fernand Ouellette avec Gauvreau, Langevin, Garcia, Duguay, Vanier, Miron, Lapointe, Chamberland sous l’appellation « progressisme ».

 Extrait

Aliénés de toutes les consciences
nous sommes à deux pas du jour

qui      croisés aux muscles des embryons de givres
                      molestés par des troupeaux d’hiver
percutent jusqu’aux joncs de l’enfance

La déchirure des drapeaux alimente la haine insoumise
         clandestins de la parole
Nos salives se souillent à la mesure des poux de l’ordre

Denis Vanier sur Laurentiana
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