Denis Vanier, Lesbiennes d'acid, Montréal, Parti pris, coll. « Paroles 21 », 1972, 72 p. (Maquette de la couverture : Roland Giguère) (Livre réalisé par Daniel Myre et imprimé par Daniel Beaucaire) (Préfaces de Lucien Francoeur, Patrick Straram, Ed Sanders et Claude Gauvreau).
Disons que Lesbiennes d’acid est davantage un livre
objet qu’un recueil de poésie traditionnel. Le paratexte est très lourd :
en plus des quatre préfaces, on y trouve des slogans, des dessins, des
reproductions d’images anciennes, des photos, des illustrations style magazine
d’autrefois, une coupure de journal, des documents légaux.
Le titre est surprenant. Le
lesbianisme est peu présent dans ce livre. Titre choc (pour l’époque)?
Vanier a maintenant 21 ans.
Il s’est acoquiné avec les Rose, il a été arrêté trois fois (association avec
un groupe de terroriste, possession et vente de marijuana). Si, dans les deux
recueils précédents, sa colère était souvent métaphorisée, dans Lesbiennes
d’acid, elle s’exprime crûment, violemment. Le recueil commence par une
histoire de féminicide-infanticide. S’ensuit un long poème manifeste où
tout et tous y passent, dans le plus beau désordre. Il s’en prend aux gouvernants-Nazis,
à Yves Préfontaine et Georges Dor, aux Éditions du Jour et de l’Hexagone, à
Main-Mise (sic), à Claude Jasmin, à Jean Basile, à Point de Mire, au Devoir.
Deux ans après la Crise d’Octobre, il prône carrément l’acte violent :
« Tout homme colonisé devrait enlever un ministre et demander à
négocier ». Par ailleurs, pour lui, son univers « Sexe, drogue et
révolution » semble bien implanté : « La marijuana pousse
partout, tout le monde baise / et est prêt à déjeuner avec des armes / le droit
de vivre et d’aimer, / ce en quoi nous sommes solidaires / de tous les peuples
opprimés / de la faim aride à la mort par insecticide / des tupamaros aux
cagoulards, des gars de Lapalme aux / Devil’s disciples, des faux 20, de l’acid(e),
des bombes // Un fait demeure certain, c’est que nous sommes des / criminels,
des récidivistes inadaptables. » Quant aux poètes, voici le
programme : « Nous sommes les derniers espoirs de la poésie / nous
communiquons par voies de faits. // Un hold-up est 100 fois plus important que
n’importe quel / texte des deux gros Beaulieu. » Michel et VLB, bien entendu.
Au milieu du recueil, on a
droit à un second poème manifeste. Radio-Canada, Eaton et Jean-Guy Pilon
passent à leur tour au collimateur. Pour le reste, il ne fait que préciser ce
qui était latent : l’apologie d’une sexualité débridée, la vulgarité, la
libération des enfants et la lutte contre le capital sont considérés comme des outils
révolutionnaires : « Voler aux riches est un acte saint et sacré. »
Dans les poèmes entre ces
deux manifestes, il s’agit moins de développer un discours que de projeter des
images qui remuent les tabous, les bienséances. Peu importe le sujet, la drogue
et surtout le sexe sont au rendez-vous : le corps de la femme trop souvent
réduit métonymiquement à son sexe. « La dilatation de Renée Martel »
n’a rien à voir avec l’artiste. Quelques allusions à la sexualité des enfants
sont ambiguës et troublantes : « les enfants se masturbent en
riant » dans l’Overdose palace; et : « nous pensons qu’un organe
sexuel dans la main d’un enfant est beaucoup plus désirable qu’une
mitraillette-jouet ». Le recueil, dans sa dernière partie, traite de ses
démêlés avec le système pénal. ». Il réserve ce petit passage aux gardiens de
prison et aux juges : « Même si nous sommes pauvres / et sans armes /
que le pays n’est plus que l’urinoir de l’injustice / jamais nous ne plierons
devant la queue verte du virus de l’autorité. »
Inutile d’en rajouter, dans
Lesbiennes d’acid, Vanier se fait le chantre d’une poésie qui se veut
révolutionnaire. Il discrédite tous les tenants du pouvoir et la plupart des
poètes reconnus par le système autour de lui. Il exclut la révolution pacifique
qui opère à l’intérieur du système, comme celle de Lévesque-Bourgault. À
l’action révolutionnaire, il ajoute la libération de l’individu, chère aux
adeptes de la contre-culture, par l’exaltation de toutes les sexualités ainsi
que par la promotion de la drogue, ces deux éléments étant susceptibles de permettre
« l’ultime libération des astres en nous ».
Denis Vanier sur Laurentiana
Je
Pornographic
delicatessen
Lesbiennes d’acid
Le clitoris de la fée des étoiles (à venir)
Quel titre tout de même, même après toutes ces années ça gifle autant. Je ne savais pas que Roland Giguère avait participé à la maquette de la couverture. Merci pour ce blogue très riche.
RépondreEffacer