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12 mai 2024

Manifeste infra

Claude Péloquin, Manifeste infra suivi de Émissions parallèles, Montréal, L’Hexagone, 1974, 77 p. (1ère parution : 1967)

Péloquin, qui faisait partie d’un groupe, les Zirmates (Groupe de recherche « dans l’expression de l’insolite »), a produit un premier manifeste en 1965 : Manifeste subsiste. En 1967, dans Manifeste infra, il reprend de façon plus détaillée les idées qui y étaient en partie exprimées.

En voici deux extraits :

Situation…

Fondé sur une recherche de l’Autre-Réalité dans l’Arrière-Réel par un Possible absolu.

Mouvement de pénétration d’un Ailleurs dans l’Homme cosmique, à partir du réel continuellement remis en question ; l’évolution de ce mouvement s’opère à partir des Dessous et de zones infiniment profondes et voilées dans une réalité prise sous ses deux formes d’existence : (ailleurs et ici).

À partir aussi des Dessous des sciences psi et para, du cosmos, du réel, de la magique et de l’Éveil...

À partir des Dessous dans les fibres mêmes de ce qui est et de ce qui est latent : donc, qui sera aussi, et beaucoup plus miraculeusement, parce que possibilisé à l’avance par l’existence même de la Recherche.

Note : Jamais rien n’est tout à fait ce que l’on a pu délimiter erronément comme étant définitif.

Mouvement de la possibilisation d’une sorte d’humanisme, ou encore d’une zone encore inconnue de la sensibilité de la matière.

INFRA exige l’expérimentation à tout prix sur tout ce qui est et sur tout ce qui n’est pas tout à fait encore ; il exige un règne de la recherche.

Mouvement prônant la recherche dans les dessous du réel et dans ses arrières. Pénétrer le réel et passer dessous, au travers ; ce dernier étant mis à nu par un processus d’isolement de ses composants, qui permet de comprendre et ainsi de pressurer de plus en plus l’inconnu. Le réel, (homme et univers) étant expérimenté suivant la dose de connaissances mise en chacun et étant considéré comme le seul tremplin qui permettra à l’homme libre de sauter dans ses ailleurs cosmiques et psychiques pour en vivre… (p. 11)

 

La poétique Infra

...Que l’on n’associe pas la poésie au vouloir sensationnaliste du “poète” en transe, victime de systèmes politiques désuets. Voilà pourquoi, ceux-là mêmes qui œuvrent ici à la révolution, (Parti Pris par exemple) et tous ces écrivains qui confondent poésie avec journalisme de combat, n’en sont qu’au lyrisme quand ils « poétisent ». Leur emphatisme, leurs malheurs et leur symbolisme facile, sont capables de troubler des couventines arriérées. L’engagement du poète n’est pas là où ils l’ont bien voulu. Péret a dénoncé déjà ces poètes de l’honneur poétique.

L’engagement du poète est dans la recherche de zones intimes et toujours déchiffrables, tant dans l’homme qu’en ses univers. La politique, les sentiments de joie, et la souffrance du mal adapté-réformateur, ainsi que la nostalgie, l’amour et les petits oiseaux ne suffisent plus pour faire des poèmes. Que l’on défende la plume à tous ces auteurs dont la seule force est le dérèglement, le faux titre de poète et un regard de taupe sur le réel.

— Ceux qui oseraient se croire dans l’impunité sont les plus vils.

— INFRA dit plume, mais il inclut dans ce moyen toutes les autres disciplines.

— INFRA demande l’exil immédiat de tous ceux dont les œuvres ne dégagent rien d’insolite ou de fantastique. La véritable fonction sociale du poète ou de l’artiste-technicien, est de n’en avoir aucune. Une poésie, une œuvre faussée ou l’expression problématique, lourdes de romantisme, de complexes religieux et politiques, retardent l’avènement de la liberté. La poésie et l’expression véritables, sont axées sur leur pouvoir de libération de l’homme dans son esprit ; et ce, en ne se servant pas de points de repère qui ne sont pas de leur ressort, comme la politique, l’hermétisme, l’amour, la belle nature et les sentiments malaxés dans tous les sens.

Il faut sortir le poète du faux rôle social où on l’a plongé, pour lui donner une dimension et une densité nouvelles, qui sont celles de la recherche technique et physiologique. INFRA peut parler maintenant ouvertement de recherche. “Refus Global” de Borduas devait se dégager du calcaire. Pour nous, un laboratoire, c’est vrai ; eux n’avaient pas le temps de le voir.

— Le chercheur en art se doit de devenir l’ouvrier des Dessous du cosmos, et ce, dans toutes ses formes. Les pouvoirs anticipatifs du chercheur véritable en font un autre technicien. Tout le reste est de l’ordre du roman et de l’art divertissant.

Les mystères de la poétique sont à mettre à jour, exigeant d’autres pouvoirs de perception par la profondeur poétique ; ces mystères ne se doivent absolument plus d’être insaisissables. (p. 26-27)


 


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