5 octobre 2023

Simples poèmes et ballades

Gilles Constantineau, Simples poèmes et ballades, Montréal, L’Hexagone, coll. « Les matinaux no 11 », 1960, 30 pages.

Comme c’était le cas dans son premier recueil intitulé La pêche très verte, la fantaisie est au rendez-vous dans Simples poèmes et ballades : « monsieur Lasnier sort ses poubelles / la pipe au bec / et pense avec / son petit cerveau / au printemps nouveau / et trouve ça beau ». Plusieurs poèmes apparaissent comme un défi : il s’agit de le construire autour d’un motif, comme le tissage (« Asphodèle ») ou l’ordre minéral (« La poupée de granit »). Le plus beau poème du recueil évoque une femme (voir ci-dessous). D’autres m’apparaissent comme des instantanés, des moments volés qui, souvent, se dénouent dans l’absurde. Ainsi évoque-t-il des scènes de rue (« l’humanité dans la rue, / une sainte et très égoïste / suivant la cruelle piste / des trottoirs » - « Rues »), des scènes urbaines (ses nuages carcinogènes / sa haute société / ses buildings babelisants qui gênent – « Villes »), un soir à la campagne (« Dormez votre sommeil »). « Les amitiés sacrilèges », le dernier poème, apparaît comme une autocritique de son travail : « … cette lave / qui me coulait au lieu du sang / est plus froide que son image. »

 Le découpage des vers est souvent déroutant et assez rare pour l’époque. La prose n’est jamais très loin chez Constantineau. Le poète se pose en observateur, relayant en arrière-plan le « je ».  Il aime évoquer des personnages (souvent féminins), des animaux (poissons et insectes), des lieux.

 BALLADE DE TOUS LES TEMPS

On ne la vit qu’un soir riant sous la pluie,
à petits seins déployés sous la laine

Son royaume était de ce monde, animé de
poussière et d’humbles amitiés, très nu,
très intime, très doux. Son royaume animait
un million de poussières

On la vit sous la pluie rieuse et sérieuse,
le soleil lui battant au cœur sous la laine
le rythme des amours qui sucraient son
haleine et se répercutaient au bout de
chaque veine

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