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30 avril 2023

Le temple

Gérard Martin, Le temple, Montréal, Bernard Valiquette-ACF, 1939, 128 pages.

Gérard Martin (1911-1982) fut entre autres bibliothécaire en chef des Archives du Québec. Il a produit plusieurs textes radiophoniques. J’ai déjà présenté sur ce blogue son roman Tentations (1943). Le temple a gagné le prix David en 1939 (ex-aequo avec Les soirs rouges de Clément Marchand).  Son recueil de poésie, dédié à sa mère, compte trois parties.  

 

Le temple de la nuit — OH! QUE DE FROIDS NOVEMBRES! 

Les 12 poèmes qui composent cette partie sont imprégnés de la mort de sa mère. « C’est ton nom que je crie à toutes les vents, ma mère ». Pour le reste, ce n’est que glas qui résonne, vents qui gémissent, marches funèbres, promenades au cimetière, deuil et sanglots, douleur et solitude, bref une longue mélopée. « Les feuilles mortes tombent, tombent, / jaunes ou rouges sur les croix; / les feuilles tombent sur les tombes / où va mourir leur faible voix. » On lit aussi : « Souviens-toi : notre corps n'est qu'un peu de poussière, / notre mère nous a conçus dans le péché, et malgré nous, / ce goût de mal, ce goût de terre reste dans notre cœur / à jamais attaché. »

 

Le temple de mon cœur — COMME UN BAISER QUI S’OFFRE 

« … ton œuvre sera plus poignante et plus vraie / si tu nous fais entrer dans l’incurable plaie / d’un grand amour trop tôt flétri. » Le poète chante ses amours déçues, à la façon de Musset, dont il reprend « Le pélican ». Et même l’amitié finit par y passer, si bien qu’il se retrouve seul, ou presque dans sa solitude hautaine : « J'avais cherché partout, et j'avais tout perdu; / rien n'avait pu combler mon âme inassouvie. / Une lumière alors a traversé ma vie; / j'ai crié vers le Ciel, et Dieu m'a répondu. »

 

Le temple de mon âme — POUR QUE L’ÂME SOIT BELLE

Cette troisième partie constitue un bilan des deux premières. Après les deuils, les désillusions amoureuses, le poète semble avoir retrouvé l’apaisement grâce aux secours de la religion et de la nature, miroir romantique de la volonté divine. 

 

Vertige superbe

Mes yeux ont conservé de fières nostalgies; 
des poussières d'orgueil s'accrochent aux orgies
de rêves déjà faits quand mon âme dormait.

Ô rêves mi-rêvés, qui parliez de sommet, 
d'élans inéprouvés, de superbe, de gloire, 
et d'accrocher un nom sur le front de l'Histoire!

J'étais bien haut, bien haut: sous les pieds des humains, 
et la nuit ténébreuse emplissait mes deux mains.

Pauvre fou, je voulais en faire une lumière 
et bâtir en palais mon cœur, cette chaumière!

 

Lumière: étoile d'or, cierge, soleil, fanal, 
nimbe posé sur chaque sort, même banal, 
qui sculpte la montagne et fait chanter l'abeille.

J'ai pensé; j'ai compris. D'autres rêves s'éveillent 
dont les austérités feront flamber les vieux.

Je vois moins haut, je vois plus vrai, je vois bien mieux 
Les idoles, les dieux, des chimères, en somme; 
je veux vivre, joyeux, mon simple destin d'homme.

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