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15 mai 2020

L'Éducation poétique


Paul Quintal-Dubé, L'Éducation poétique, Paris-Montréal, Ateliers d'art typographique-Librairie Déom, 1930, 97 pages. (Préf. de Joseph Bédier) (10 hors-textes en camaïeu de Roger Veillault).

Paul Quintal-Dubé (1895-1926) connait un destin tragique. Atteint de tuberculose, il meurt à 31 ans, après avoir fréquenté des sanatoriums aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. C’est son père qui fait éditer son livre en France après son décès.

L’édition du livre est impressionnante. Hormis le Maria Chapdelaine de Clarence Gagnon, produit lui aussi en France, je ne vois rien d’aussi beau à l’époque. Les titres soulignés de couleur verte, la photo de l’auteur et les illustrations au ton sépia, la typographie généreuse, le papier « impérial du Japon », les bords de page non rognés, la préface de Joseph Bédier et les modèles de l’auteur empruntés aux poètes de la deuxième moitié du XIXe siècle, donnent à l’ensemble un charme suranné.

Compte tenu des circonstances, on aurait pu s’attendre à un propos sombre, comme chez Nelligan ou Garneau, deux autres « grands condamnés », mais non. Quintal-Dubé, dans sa poésie très chantante, traque la beauté sous toutes ses formes, même quand il évoque la mort.

Le premier poème, intitulé « La source », ne compte que deux vers : « Au flanc de la montagne une source chantait, / Une source d’amour et de belle jeunesse ». Ce poème est réparti sur deux pages et suivi d’une illustration qui représente… une source.


On a déjà une idée de la poésie de Quintal-Dubé : il ne faut pas y chercher des « trouvailles » stylistiques, des sources d’inspiration inattendue, une approche singulière  des idées. Tout baigne dans la simplicité.

J’ignore si le titre a été choisi par l’auteur ou par les éditeurs, mais disons qu’il cerne bien le propos : « Il trouve la Beauté, la fait reine en son cœur, / Entend un long soupir, et lui dit : « Chère sœur, / Laisse moi te chanter, je veux être poète!... » Le poète associe poésie et beauté, comme si reconnaître la Beauté était une condition pour devenir poète : « Ah! savoir ce que c’est qu’un vers… Ah! comme toi, / D’un Ronsard, d’un Verlaine, / Ouïr, avec un cœur savant, les grandes voix, / Les suivre d’une haleine ». Son éducation poétique passe par l’imitation de certains modèles : Ronsard, Verlaine, mais aussi Leconte de Lisle et François Coppée.



Rapidement, la beauté poétique se confond avec la femme. Concilier la quête amoureuse et l’impression de vivre sur du temps emprunté peut être douloureux : « Tout est rose du feu de ta joue. Un émoi / Emplit la chambre où tu dors. Ton haleine fleure. / Sous la paupière close un regard doux affleure. / Ô ma reine adorée, ouvre tes yeux ! C’est moi! // Mais un pleur se fait jour sous ta paupière close, / Et je vois défaillir sur ta joue une rose. » Le beau rêve ne survit pas à l’épreuve de la réalité et, bientôt, l’amour est davantage vécu dans l’imaginaire : « Illusions de mes vers ! / Je te perds, / Quand je ne t’ai jamais eue! » C’est la beauté qui rend la mort si tragique : « Tu le sais, dis-tu. Comme ces fleurs, toi-même. / Tu t’épanouis aux lèvres de la Mort. / Elles mourront. Toi aussi. C’est le sort ». En même temps, c’est la Beauté qui rend la fin moins pénible : « … Souvent telle amertume, / Comme un lac boisé suant la brume, / Découvre à nos yeux la haute tour / Qu’on a désiré de voir un jour. / La, espère et prie une princesse… // Ô soleil splendide, étoile d’or, / Je t’aime et vis de ton essor! »

Je termine par un extrait de la préface dont je partage le propos :

      « Des vers ingénus et néanmoins subtils, tendres, obscurs, aériens, infiniment doux !...
     Ce ne sont, à vrai dire, que des essais, fugitifs, incertains, qu’il faut accueillir comme tels. Les fruits auraient-ils tenu la promesse des fleurs ? Vaine question : Paul QUINTAL-DUBÉ est mort trop tôt.
    Il eut du moins deux choses pour lui : et d’abord un don naturel de style, rare à ce degré; c’est un sens, comme inné du bien dire, et, dans le maniement de la langue, une aisance faite de justesse et de souplesse, je ne sais quoi de limpide et de parfaitement pur.
     Et, en second lieu, ce qui le marque vraiment du signe de l’élection, c’est que ses vers sont « de la musique avant toute chose ». Il a su apparier, opposer, entrelacer les sons, les cadences, les mouvements; il a su le beau  secret des rythmes de France.

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