Charles Deguise, Le cap au diable, Ste-Anne-de-la-Pocatière, Firmin Proulx, 1863, 45
p.
En un lieu non nommé en Nouvelle-Écosse, en 1755. Le couple St-Aubin
et leur petite fille Hermine mènent une vie paisible et heureuse. Ils vivent
de la pêche. Leur vie est brisée quand les Anglais débarquent à Grand-Pré. Lors du
rassemblement qui devait mener à la déportation des Acadiens, le père, qui se
trouve à Grand-Pré par affaires, est fait prisonnier et déporté. Quant à Madame St-Aubin, fuyant l’arrivée des Anglais, elle se
réfugie dans les bois avec sa petite fille et réussit à survivre à durant l’hiver
grâce à Jean Renousse, un Autochtone dont elle et son mari avaient déjà été les
bienfaiteurs. Le printemps suivant, elle décide de gagner le Canada. Elle
s’embarque, avec Hermine, sur un bateau d’immigrants qui fait route vers Québec.
La traversée est difficile et, lors d’une tempête, le navire s’échoue sur le
Cap au diable, en face de Kamouraska. Tous les passagers périssent, sauf Madame
St-Aubin et Hermine. Celle-ci, qu’on avait attachée sur un radeau de fortune,
est retrouvée plus loin par des Autochtones. Quant à Mme St-Aubin, croyant sa petite
fille morte, elle sombre dans la folie. Quelques années passent. Jean Renousse,
ayant émigré au Canada lui aussi, retrouve par hasard Hermine au Saguenay. Et
en allant vendre ses fourrures à Trois-Rivières, il retrouve par hasard Monsieur St-Aubin, de retour au Canada après avoir été déporté en Angleterre. Il ne
reste plus qu’à retrouver la mère, ce qui est fait. Toute la petite famille,
avec Renousse et sa femme, retournent en Acadie.
En lisant mon résumé, vous aurez compris que le hasard joue un
grand rôle dans ce récit, à commencer par le fait que la mère et la fille sont
les seuls survivants du naufrage. La reconstitution de la petite famille est
aussi faite de rencontres dues au hasard.
Au départ, le récit se donne des airs
de conte fantastique. Deguise
raconte qu’une femme apparaît lors des tempêtes sur les falaises du Cap au diable,
implorant le ciel de lui redonner sa petite fille (d'autres conteurs vont raconter cette « légende »). Mais compte tenu de la place
de l’histoire dans la trame événementielle, on peut dire certainement que Le Cap au diable est un récit
historique. Plutôt que de raconter lui-même la déportation des Acadiens,
l’auteur cite l’historien François-Edme Rameau de Saint-Père.
Le roman manque un peu de précision, entre autres pour ce qui est des
déplacements des personnages. Par exemple on ne sait pas précisément où habitaient
les St-Aubin en Nouvelle-Écosse. On ne sait pas comment tous ces personnages se
déplacent. On cherche aussi le lien entre la déportation des Acadiens... et un cap
dans les environs de Kamouraska.
La narration est écolière. « Comment l’hiver se passa-t-il ?
Laissons à M. Rameau de dépeindre ce que durent souffrir les malheureuses
victimes de l’expatriation. C’est d’ailleurs de lui que nous empruntons la
partie historique de ce récit, en ce qui concerne les Acadiens. »
Lire sur Charles Deguise
Sur Laurentiana, voir aussi Hélika, vieux maître d’école
Extrait :
Plus loin, en cinglant vers le sud, et avant que d’arriver au
charmant village de Kamouraska, vous apercevez un cap, dont la vue vous frappe
et vous impressionne péniblement. Son aspect est morne et sombre, les rochers
qui le composent sont arides et dénudés, son isolement, le silence et la nature
désolée et presque déserte qui l’environnent, son éloignement de toute
habitation ; tout, enfin, concourt à jeter dans votre âme un malaise
étrange et inexprimable. Quelques bas-fonds qui l’avoisinent en rendent l’approche
difficile, si impossible, non même aux bâtiments d’un faible tonnage. Ce Cap,
c’est le « Cap au Diable. »
Mais d’où vient donc ce nom qu’enfants, nous ne pouvions
entendre sans frémir ! A-t-il été le théâtre de quelques apparitions
infernales, ou bien a-t-il servi de repaire à quelque bande de brigands ;
et les bruits confus qu’on y entend ne sont-ils pas les cris de vengeance des
victimes ensanglantées que l’on trouva à ses pieds, ou dans son
voisinage ? personne ne le sait ; la justice des hommes a libéré les
accusés : victimes et meurtriers sont aujourd’hui devant Dieu !
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