Éloi de Grandmont, Plaisirs, Montréal, Chanteclerc, 1953, 30 pages (avec une
chanson de Maurice Blackburn).
La poésie d’Éloi de Grandmont n’est pas exempte de naïvetés.
Plaisirs reprend où Premiers secrets nous a laissés. Il en
était à poétiser son enfance et ses premières amourettes et il poursuit dans la
même veine. On se retrouve dans l’atmosphère des années 50, ne serait-ce que
par les références à la vie paysanne et à la religion. Pourtant, n’y cherchez
pas une critique de ce monde rétréci, aux dires de bien des auteurs. « C’était
quand même le bon temps », semble-t-il nous dire dans « Dimanches
naïfs » : « Surplis, soleil, encens, barrettes / Paysage des
Fêtes-Dieu, / Des processions jusqu’à midi / Avec solos de clarinette ». Mais
la Fête-Dieu n’est pas seulement une fête religieuse, elle lui rappelle le « temps
des premières cigarettes », des premières beuveries et même le « Divin
corsage des fillettes, / Étoffes d’un prix modéré / Sous lesquelles nos mains
glissaient ».
La
plupart des poèmes évoquent le temps de l’innocence heureuse, avec humour et dérision. On découvre ici et là un peu de tristesse, vite
réprimée.
DOUX TEMPS
Doux temps des amours !
Est à peine sec,
Est à peine cuit
Que déjà le jour
Que déjà la pluie
Que déjà son cœur
Que déjà le miens
Que déjà l’amour...
Faudra-t-il dormir
À l’hôtel demain ?
Faudra-t-il pleurer ?
Ne plus voir l’éclair
Que dans les miroirs,
Sur les meubles clairs,
La chaise en métal.
La porte d’émail ?
Faudra-t-il mourir ?
Doux temps des amours !
Gamine farouche,
Plus vive que l’aile
D’un oiseau sauvage,
Rieuse dans l’herbe,
Rieuse dans l’eau,
Dans le foin aussi
(Une seule fois
Pendant un orage).
Je tourne la page
De ce premier livre
Du temps des amours,
Du temps des orages
Et des bras qui serrent
Et des yeux qui crient.
Du temps des folies
Qu’on fait bien avant
D’avoir ses vingt ans.
Du temps, du doux temps
De ces amours-là.
Orage en vacances :
Soleil de la vie.
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