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23 septembre 2017

Lionel Duvernoy


Adèle Bibaud, Lionel Duvernoy, Chez l’auteure, Montréal,  1912, 83 pages.

Le recueil contient quatre récits.

LIONEL DUVERNOY
Lionel Duvernoy est un savant et pas n’importe lequel : « […]  il était l’exception sur le cent collectif ; sur cent individus quatre-vingt-dix-neuf sont des niais, donc il était l’homme à plaindre, celui qui pense, qui voit, qui sent, qui souffre ; qui souffre de l’isolement de son génie [… ] » Ayant étudié toutes les sciences, s’étant fait artiste, ne trouvant nulle part un idéal qui le satisfasse, Duvernoy décide de parcourir l’univers.  Son voyage se termine sur un navire qui vogue vers La Malbaie quand il rencontre une jeune fille, une pianiste qui vient chercher son âme : «  elle mit sa main dans la sienne tandis qu’une voie de l’âme partant de son cœur à ses lèvres murmurait, C’est lui, à la minute où Lionel s’écriait : C’est elle !!! » Bizarrement, cette histoire se termine par une apologie du Canada « sol si fertile, où fructifie la bonne semence » et de la France « foyer de lumières éclairant l’univers tout entier ».

UNE LETTRE ANONYME
Le récit est un échange de lettres entre trois personnages. Gaston P., récemment revenu d’un voyage en Égypte, est un célibataire invétéré que sa mère veut marier. Il envoie des lettres à son confident et ami Edgar. Il lui raconte qu’une inconnue lui écrit des lettres anonymes. Lui, grand amateur de mystère, il tombe amoureux de cette inconnue. Celle-ci refuse de révéler son identité. À force d’arguments, elle finit par consentir à le recevoir. Et c’est tout simplement une jeune fille que sa mère voulait lui présenter et qu’il avait dédaignée.

NOÉMIE
Georges de Ferrares garde un secret : son père, pour sauver sa famille de la ruine, l’a forcé à épouser la fille de 14 ans d’un banquier. Il était convenu que Georges et sa jeune épouse partageraient  leur vie quand la jeune fille aurait terminé ses études. Mais rapidement après la mort de son père, Georges la libère de son engagement. Plus encore, il change de nom et part à l’aventure. Et voilà que sept ans plus tard, il tombe amoureux d’une jeune fille. Quand elle lui avoue qu’elle a déjà été mariée, les deux se reconnaissent. (Lire l’extrait)

LE GRAND CŒUR DE L’OUVRIER CANADIEN
« C’est une vraie nuit de Noël, à vingt-cinq degrés au-dessous de zéro. » Tout serait parfait pour cette jeune mère de famille si ce n’était qu’une voisine, abandonnée par son mari, se mourrait, laissant derrière elle un poupon, ce qui décuplait sa douleur. Sans hésiter, le mari accepte d’adopter le poupon. « Eh bien, son enfant, si c’est ça qui t’chavire vas le chercher c’t’enfant, ce sera tes étrennes. Je travaillerai un peu plus tard et il y aura du pain pour tout l’monde. »


Quatre histoires sentimentales dont il y a peu à dire sinon qu’elles respectent le code du genre : amour contrarié, amour vainqueur. Les jeunes filles sont toujours belles et les jeunes hommes ne sont que des sauvages qui se laissent apprivoiser. On déplore tout de même la ponctuation très approximative et un texte plein de coquilles.

Extrait
— Noémie, votre douleur m’enlève tout énergie. Chère enfant, donnez-moi l’exemple du courage. Racontez-moi vos chagrins puisque j’ai la consolation d’être près de vous. Mais lorsque vous connaîtrez mon passé, lorsque vous m’aurez ordonné de vous quitter, rappelez-vous que mon cœur vous appartenait tout entier ; que jamais aucune femme ne pourra vous y remplacer, que pour vous savoir à moi j’aurais affronté tous les dangers, souffert toutes les misères et me serais senti heureux de pouvoir à ce prix conserver votre amour. Si un jour vous m’avez pardonné et vous souvenez du malheureux qui vous aimait tant, rappelez-vous que jamais il n’a pu vous oublier.
— Georges, fit la jeune femme en étouffant ses sanglots, ah ! je ne suis pas digne d’un tel amour. Tandis que ma conscience m’ordonnait de vous fuir, de vous éviter les tourments de mon âme, je ne vous ai rien dit. Georges, me pardonnerez-vous jamais de vous avoir trompé ? depuis sept ans je suis mariée au baron de Maldigny, le nom que je porte n’est pas le mien.
Un cri échappa des lèvres du marquis. Était-il possible, n’était-ce point un songe, devait-il s’éveiller pour éprouver toutes les tortures de la réalité ? Noémie, la femme du baron de Maldigny ! mais le baron de Maldigny c’était lui ! Noémie était sa femme ; fou de joie il saisit la jeune fille dans ses bras et la pressant avec délire sur son cœur il s’écria :
— Ah ! répétez-moi ce que vous venez de dire. Est-il bien vrai, ai-je toute ma raison, ne suis-je pas le jouet d’un rêve.
— Laissez-moi, laissez-moi, dit-elle cherchant à se dégager de son étreinte. Vous ne m’avez donc pas comprise. Je suis la femme du baron de Maldigny.
— Noémie, je suis cet époux perfide qui vous abandonnait lâchement il y a sept ans. Le nom que je porte n’a pas toujours été mien. Hélas ! insensé, je n’avais pas compris alors quel trésor l’on m’avait confié, et je m’éloignai sans songer qu’un jour pour être aimé de vous je sacrifierais volontiers tout au monde.
Et s’agenouillant devant elle.
— Noémie, murmura-t-il, pourrez-vous jamais me pardonner.

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