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3 juin 2016

Le siège de Québec

Jean Féron (Joseph-Marc-Octave Lebel), Le siège de Québec, Montréal, Garand 1927, 86 pages (Coll. Le roman canadien)

Jean Féron a écrit beaucoup de romans historiques. Comme on le sait, ce type de récit comprend une double intrigue. D’une part, l’auteur emprunte aux historiens la trame historique. Plusieurs signalent leur source, ce que Féron ne fait pas dans Le Siège de Québec. On peut supposer qu’il a utilisé Garneau, Ferland… D’autre part, pour rehausser l’intérêt de la relation historique, l’auteur ajoute l’aventure de personnages de son cru, souvent une idylle sentimentale. Féron, lui, raconte plutôt les aventures burlesques de trois matamores : un bon, Flambard; et deux méchants : Pertuluis et Regaudin.  La difficulté d’un tel récit, c’est d’intégrer ces deux trames, ce que Féron réussit plus ou moins.

Je ne m’attarderai pas sur la trame historique. Les Anglais se pointent devant Québec le 26 juin 1760. Ils gagnent la bataille des plaines d’Abraham le 13 septembre. Au départ, ils s’emparent des hauteurs de Lévis et bombardent Québec sans réussir à rompre sa résistance. Ils incendient les environs de Québec jusqu’à la Malbaie et Rivière-du-loup pour attirer les troupes à l’extérieur de la ville : « Quant au nombre de morts, il demeurera toujours  incalculable. Beaucoup furent tués, d’autres moururent d’inanition dans les bois… Jamais l’histoire n’avait vu pires actes ! Jamais  encore un peuple civilisé n’avait déployé tant de vandalisme ! Jamais les soldats d’une nation dite « chevaleresque » n’avaient commis tant de forfaits et de crimes ! Les anciens barbares n’avaient pas été si inhumains ! Aussi, quoi qu’on dise ou pense, la renommée que s’est acquise James Wolfe, comme chef militaire, doit être à jamais ternie ! Sa gloire ne peut demeurer pure, car un linceul en couvre l’éclat ! » Ils tentent un débarquement du côté de Montmorency-Courville, sans succès. Finalement, ils réussissent en empruntant l’Anse-au-Foulon.

Pour expliquer l’échec des Français, Féron n’invente rien qui n’ait pas déjà été dit : l’impétuosité de Montcalm, la mésentente entre les dirigeants de la Nouvelle-France, et peut-être certaines trahisons (Bigot, Vergor…).

Quant à l’aventure romanesque qui se déroule pendant que les Anglais essaient de percer le défi que constitue la prise de Québec, elle va comme suit.  Regaudin et Pertuluis, deux grenadiers, en fait deux gredins, ont enlevé l’enfant du capitaine Jean Vaucourt et d’Héloïse de Maubertin pour  en tirer une rançon. Leur plan est contrecarré quand la flotte anglaise se présente devant Québec. Ils confient l’enfant à une famille qui ignore leur méfait et ils rejoignent les rangs de l’armée. Ils s’illustrent lors de la bataille de Montmorency. Flambard, le héros de cette histoire, un ami du Capitaine Vaucourt, se lance à la recherche de l’enfant. Il découvre que ce sont  Regaudin et Pertuluis, mais il ignore qu’ils sont  acoquinés avec l’intendant Bigot.  Flambard finit par mettre la main sur les deux hommes et l’enfant est rendu à ses parents. Entre-temps, nos deux comparses, croyant reprendre l’enfant de Vaucourt, enlèvent un autre enfant. Cette fois-ci, Flambard doit affronter, seul, les cadets et les gardes de Bigot; il  connaît différentes mésaventures et plus d’une fois il vient près d’y laisser sa peau. Mais il finit par rendre l’enfant à ses parents. Nos amis Pertuluis et Regaudin, eux, trouvent un trésor avant d’aller s’illustrer dans la bataille des plaines d’Abraham.

Ce qui distingue ce roman, c’est l’humour.  Oui, les dialogues de nos deux lascars et leurs affrontements avec Flambard tiennent davantage de la comédie - et même du burlesque -  que du récit d’aventures. Féron écrit bien mais Garand comme éditeur ne fait pas le poids : le texte est bourré de fautes, de coquilles, d’incohérences typographiques.

Extrait
« Mais après la faute de l’Anse au Foulon, dont la responsabilité doit retomber sur M. de Vaudreuil, celui-ci allait commettre une autre faute non moins grave, le lendemain, en n’appuyant pas Montcalm sur les Plaines d’Abraham comme il aurait dû le faire. Nous allons voir comment.

D’abord Montcalm ne voulut pas croire la nouvelle du débarquement des Anglais à l’Anse au Foulon apportée par notre ami Flambard. Il y croyait d’autant moins qu’il lui était permis d’observer, aux premières clartés du matin, les manœuvres inquiétantes de la flotte ennemie dans la rade de Québec. On eût juré que les Anglais s’apprêtaient à un débarquement sur la plage de Beauport. Il envoya immédiatement un courrier aux nouvelles, tandis qu’il se rendait auprès du gouverneur pour se concerter avec lui. Aussi allait-il apprendre bientôt, et avec quelle stupeur, que non seulement les Anglais avaient débarqué des troupes à l’Anse au Foulon, mais qu’ils étaient déjà en position à un mille à peine des murs de la ville.

En effet, il était environ deux heures du matin lorsque Wolfe avait lancé ses premiers soldats sur les hauteurs de l’Anse. À quatre heures, mille hommes y étaient déjà assemblés. Le poste de sentinelles fut enlevé comme un rien, puis trois cents hommes reçurent ordre d’aller entourer le cantonnement de Vergor dont on pouvait voir les tentes à peu de distance de là, et de faire prisonniers tous ses soldats. Ce qui fut fait promptement, et Vergor lui-même fut capturé dans son lit.

Wolfe avait conduit lui-même ses hommes. »

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