Jean Basile, Lorenzo, Montréal, Les Romanciers du jour, 1963, 120 pages.
Le roman, pas très
réussi, contient trois parties. La seconde fait 80 pages réparties en six
courts chapitres. La structure est très lâche. L’auteur malmène la chronologie,
retours en arrière et prospectives, des personnages apparaissent et
disparaissent, à différents âges…
La première partie intitulée
« Le vieillard au bord du fleuve » pourrait décourager n'importe quel lecteur tant elle est verbeuse. On y voit un vieillard qui assomme de
grandes vérités un jeune homme qui vient
de sauver une femme de la noyade. Le jeune homme se nomme Jerry et la
dame, Bebelle. « Qu’est-ce que la vie et qu’est-ce que la
mort, dit-il. Je vous le demande un peu, mon jeune ami qui disposez si
facilement des autres ? Un cœur qui bat, quelques mouvements désordonnés de
membres réticents ou bien le grand silence dans la poitrine et l’éternelle
immobilité. Peu de différence à vrai dire ou une différence si mince qu’on ne
la remarque même pas. Mais vous êtes jeune, je le vois. (Il haussa les épaules
et toussa pour éclaircir sa voix). Vous ignorez sans doute ce que sont les
tourments, les conflits. Vous regardez avec joie la terre, le ciel, les
animaux, les hommes, et votre vie se fond avec la leur. Mais vous êtes-vous
bien demandé pour quelles raisons cette femme que vous avez sauvée avait décidé
de mettre un terme à ce que nous appelons sottement l’existence ? »
La deuxième partie
raconte quelques épisodes de la vie de Bebelle-Cybèle. Adolescente, elle est très consciente de ses charmes. « Il
lui était très agréable de penser à son corps. Ferme, élancé et plein. Un corps
qui n'avait jamais souffert de la faim ni de l'amour. Un corps frais, adorable,
parfait comme du cristal, conçu naturellement pour troubler les hommes et
attirer leurs baisers. Un corps qui avait besoin d'un échange de chaleur, de
caresses, d'amour. » Elle sort avec le meilleur ami de son frère, Ken, mais
semble très peu attachée à lui. Ce Ken a fréquenté et tenu comme idole un
certain Heinrich jusqu’à ce qu’il disparaisse un bon matin. Heinrich est un
portrait en plus jeune du vieillard nihiliste de la première partie. « Rien
n'est simple, rien n'est clair, reprit Heinrich sur un ton de plus en plus
exalté. Nous croyons saisir la marche du temps, la subtile émanation de l'amour
ou de l'amitié et nous ne tenons que du vent. Mais il faut encore expliquer son
passé, envisager son avenir. Il nous plaît alors de tirer une
signification de tout, de nos désirs, de nos craintes, de nos rêves, de l'air,
d'une étoile qui file, d'une sensation fugitive, d'une émotion qui passe fluide
et vaine. Mais quoi que nous tentions, où que nous regardions, pratiquement
nous ne lâchons une ombre que pour nous agripper à une autre ombre. » On a
droit ensuite a un chapitre sur le père de Cybèle (un homme qui est passé à
côté de la vie ou que la vie a largué et qui comble sa solitude avec son chien)
et à un chapitre sur sa mère (une femme modeste qui, un jour, a refusé le grand
amour pour ses enfants). On revient aux amours entre Cybèle et Ken : ils font
l'amour sur la montagne, ce qui s’avère désastreux. Le temps file et on rencontre
le fils de Cybèle, un adolescent travesti : il séduit un camionneur qui le pousse
hors de son camion en marche quand il découvre le subterfuge. Le jeune y laisse
sa vie. Le dernier chapitre nous montre la Cybèle vieillie de la première
partie : elle danse dans les bars et ramène des hommes à la maison,
toujours en recherche d’amour. Elle a décidé de se suicider.
Dans la dernière
partie, le Jerry de la première partie, pénètre à la suite du vieillard dans un
monde où tout n'est que voluptés. « Ici, vous êtes en quelque sorte dans
le bordel de votre âme. » C'est un lieu complètement surréaliste, à moitié
ciel à moitié enfer. Pourtant, malgré l'insistance du vieillard, Jerry décide
de quitter ce lieu, lui préférant la « vraie» vie.
Ce qui ressort le
plus de ce roman, c'est son penchant pour la dissertation et sa construction très lâche. Il me semble que Basile aurait dû se
limiter à son personnage principal, celui de Cybèle, et laisser de côté ses parents et sa progéniture. Tout au long du roman les
personnages prônent un certain nihilisme ou agissent avec cynisme, mais la fin
vient tout renverser. Pas très convaincant. Le roman aborde des thèmes graves tels la recherche
désespérée de l’amour, l'obsession de la mort, la vieillesse.
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