Il ne faut pas chercher des images fulgurantes ni des moments d’exaltation dans Factures acquittées. Comme le titre le laisse prévoir, tout est au plus simple, langage et contenu. Lemoyne se tient du côté du quotidien, près des choses, sensible au temps qui passe. « J’ai rangé les chaises de jardin / et les dimanches d’été / lourds du poids des balcons ».
Factures acquittées a été publié en 1964 à l’Hexagone, mais la thématique me semble davantage celle des poètes de la génération précédente, celle des Garneau et Hébert. On est davantage dans le questionnement personnel, dans la mise en cause des relations sociales que dans le thème du pays. « L’ennui m’a enfin rejointe dans la gare de l’été ». « Je n’irai plus secouer la nappe au vent / A quoi bon? Les îles barrent la mer ».
Une tristesse certaine se dégage des 25 courts poèmes qui composent le recueil. Elle résulte de la conjonction de thèmes, comme la déception, l’ennui et la solitude : « Vous avez amputé ma joie de son pas dansant »; « Vous avez regardé mille fois / Vos mains croyaient être pétries de certitudes ». Souvent la poète s’installe dans un climat d’attente : « Calée dans la cage / genoux au menton / dans un cocon d’indifférence / je n’attendrais qu’un obscurcissement du noir ». Observatrice plutôt qu’actrice, elle tient le monde à distance : « je m’ennuie d’avoir tant regardé la route »; « la fête des autres est finie ». Un poème s’intitule « Le guetteur » et un autre, « La figurante ». Et pourtant c’est cette attitude qui est à l’origine de la déception et de la solitude : « J’étends une main imprudente / On m’a vue / Bras que j’allonge comme un presbyte / Il faut le ramener ferré sur le vide ». Le ton ne monte jamais, il n’y a ni rancœur ni amertume, mais plutôt la réception tranquille d’un état de comptes, comme le dernier poème, « Nova et vetera », le suggère :
Matin, architecture de la patience
Dressage amical du montant
Revêtu de soi-même
Collant que l’on déposera le soir
Salut, terre nouvelle
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