En collaboration. L'Hexagone 25 : rétrospective 1953-1978, Montréal, Bibliothèque nationale du Québec, 1979, 55 pages. (Couverture de Roland Giguère)
« [L'Hexagone] fut un carrefour, un lieu de poésie et d'amitié, de rencontres et de confluences, de diversité et d'échange, et à certains moments elle a pu être perçue comme un symbole de rassemblement. Toujours, cependant, c'est dans l'acte éditorial que nous prenions conscience du phénomène littéraire, c'est à partir de et à travers un travail d'édition proprement dit : organisation, choix des manuscrits, fabrication, diffusion, que se développaient une réflexion sur la poésie et une certaine vision de la littérature.
« [L'Hexagone] fut un carrefour, un lieu de poésie et d'amitié, de rencontres et de confluences, de diversité et d'échange, et à certains moments elle a pu être perçue comme un symbole de rassemblement. Toujours, cependant, c'est dans l'acte éditorial que nous prenions conscience du phénomène littéraire, c'est à partir de et à travers un travail d'édition proprement dit : organisation, choix des manuscrits, fabrication, diffusion, que se développaient une réflexion sur la poésie et une certaine vision de la littérature.
Au tout départ, il s'agissait surtout d'amitié, de s'exprimer, de «faire quelque chose». Bien sûr, nous n'étions pas «innocents», nous avions nos idées, comme par exemple, notre refus du compte d'auteur (ce qui entraînait en contrepartie de longs délais parfois à cause de nos moyens de financement), comme notre souci d'innover et de faire «professionnel» sur le plan de la présentation graphique. Par ailleurs, nous voulions changer la situation non par des polémiques, mais en faisant «autre chose», en faisant du neuf. Au cours des années et de notre pratique, nous avons été amenés à une mise en ordre et à jour de nos sources, à nous définir et à nous situer. Nous rejetions et affirmions, plus que nous ne condamnions. Nous avons assimilé l'antériorité poétique valable à nos yeux et nous nous sommes donné une généalogie. Notre démarche se clarifiait et se précisait. Dans le choix des manuscrits à publier, nous tentions d'objectiver le phénomène poétique et de situer le texte dans l'art actuel des recherches ici et ailleurs. Et déjà, nous voulions faire exister et «universaliser» la jeune poésie aux yeux du monde: un abondant service de presse atteignait tous les points susceptibles de la répercuter. Nous avons établi des contacts avec d'autres groupes de poètes ou lieux d'édition étrangers.
Aussi, depuis «le terrain», nous étions en mesure de voir à l'œuvre les rapports entre la littérature et la langue, le milieu, la société, les structures, la culture. Aussi, nous nous sommes «impliqués» assez rapidement, chacun avait d'autre part ses engagements personnels» ce qui pouvait à l'occasion colorer notre action, bien que nous n'ayons jamais mêlé acte éditorial, choix individuels et collégialité (aujourd'hui on dirait «le collectif»). Si les réunions de l'équipe d'animation portaient presque exclusivement sur le travail d'édition, il y avait une intense fréquentation de tous et chacun dans des activités paraéditoriales ou autres, où l'on discutait «dur» avec enthousiasme et passion. Enfin, vers les années 1958-1960, nous avons voulu explicitement contribuer à l'édification d'une littérature et d'une édition nationales.
Pour nous, à l'Hexagone, il n'importait plus seulement de prendre la parole, d'écrire une poésie neuve, d'agir dans le champ littéraire et sur son processus, mais il entrait dans notre dessein de constituer un fonds d'édition, d'assurer la continuité des œuvres déjà commencées tout en faisant place à celles qui naissent, bref de baliser notre littérature. Avec la création de la collection «Rétrospectives» en 1963, notre perspective s'est renversée : nous ne pensions plus en fonction d'un livre à la fois, mais désormais en termes d'œuvres. Celles d'hier comme celles d'aujourd'hui et de demain. Un jour de 1970, Paul-Marie Lapointe me faisait remarquer que nous avions de plus en plus une littérature «complète». Juste. Non plus une littérature de service et plus ou moins univoque, accablée par l'obsession ethnique et jouant une suppléance, mais enfin une activité intellectuelle et littéraire qui se déploie dans tous les genres et investit tous les domaines. Après coup, je pense que c'est ce qui caractérise l'Hexagone comme maison d'édition et dans ses choix, d'avoir présent à l'esprit une conception historique et globale. Notre catalogue en rend compte. Nous tentons d'illustrer la continuité dans les ruptures nécessaires.»
(Gaston Miron, «L'Hexagone pour demain», L'Hexagone, rétrospective 1953-1978, BNQ, 1979, p. 7-8)
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