Renée des Ormes (Léonide Ferland), Entre
deux rives, Québec, L'Action sociale, 1920, 139 pages.
Entre deux rives n’est pas un roman, mais la correspondance (probablement corrigée et réécrite) entre une marraine de guerre et son filleul belge.
Entre deux rives n’est pas un roman, mais la correspondance (probablement corrigée et réécrite) entre une marraine de guerre et son filleul belge.
Le tout débute en septembre 1917 par
une lettre que Raymond D., un officier belge, adresse au directeur du journal Le Soleil afin de trouver une marraine de guerre.
En préface, Renée des Ormes ne s’en cache pas, elle est la marraine même si,
quand elle s’adresse à son filleul de guerre, elle signe « Louise ». Ils
vont entretenir une correspondance, pas très personnelle tout compte fait, jusqu’en
mars 1919. On comprend que ces lettres étaient ouvertes par des lecteurs qui
s’assuraient que rien ne fût révélé qui aurait pu mettre en danger l’armée.
Que contiennent ces lettres? Ils échangent
des informations sur leur pays respectif, ils essaient de décrire ce qu’il y a de beau à visiter.
Elle lui envoie des cartes postales des lieux touristiques et parfois de
petites gratifications : écharpe, sucre d’érable, et quelques
livres : Lozeau, Adjutor Rivard… Elle ne parle pour ainsi dire pas
d’elle-même, de sa vie. Est-elle mariée? A-t-elle des enfants? Il lui raconte
la Belgique, il décrit sa famille et la petite entreprise qu’il dirigeait avant
le conflit. Et la guerre? Il n’en dit presque rien, si ce n’est qu’il fait
suivre à l’occasion des découpures de journaux qui sont reproduites dans le
livre. On assiste à la fin des hostilités, sans qu’il y ait d’explosion de
joie. Et leur échange se termine un peu comme elle a commencé, c’est-à-dire
sans beaucoup d’éclats.
Raymond à Louise
Votre lettre, la dernière hélas !
qui doit me venir de vous, m'est justement remise.
Je suis en garnison à Bruxelles
maintenant. Mon cantonnement est à dix minutes de « chez-nous » et je
peux donc passer chaque nuit dans un lit que petite sœur a le soin de bien
border, et goûter encore à la « popote » maternelle... Enfin, d'ici
quatre mois j'aurai repris le chapeau et la canne comme tout le monde !... Depuis mon retour j'emploie toutes mes heures de liberté à la remise en état de
mon usine. Les affaires reprennent peu à peu leur cours d'autrefois, mais le
coût de la vie est fort élevé... Oh ! pauvre petit peuple de Belgique, on ne
saura jamais assez ce que tu as souffert sous la botte germanique... Mais il
nous faut à présent remercier Dieu et les Alliés, ceux qui ont compris nos
douleurs et qui les ont soulagées, et prier pour ceux qui ne sont plus.
Je vous envoie sous le même pli
quelques notes qui m'ont été données, concernant les pertes approximatives
subies par notre armée durant la dernière offensive. Ces détails témoignent
avec éloquence de l'héroïsme de nos vaillantes troupes... Mais si tous les
enfants de la Belgique sont fiers de leurs exploits, nous n'oublions pas la
part glorieuse qu'ont prise les Canadiens au cours de cette guerre terrible, et
quand le Canada applaudit ses fils qui reviennent, meurtris et victorieux, nous
saluons de loin, avec respect, le noble drapeau dont ils ont fait flotter les
couleurs harmonieuses jusqu'ici.
Cousine, j'ignore ce que l'avenir
me réserve, mais j'ai confiance que vos bons souhaits seront exaucés du
Très-Haut... Et puisque le jour est arrivé de nous dire adieu, permettez-moi
de vous affirmer que vous resterez toujours pour moi l'amie lointaine et bonne
qui a su mettre des fleurs sur mon dur chemin et rendre mon cœur plus fort au
sein des heures les plus sombres... Je vous félicite de ce geste, je vous
remercie de vos gâteries et je vous jette bien haut, de toute mon âme, le cri
de ma reconnaissance : « Vive le Canada ! Vive la Canadienne ! »
Adieu, marraine... (p. 123-125)
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