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14 avril 2011

Tentations

Gérard Martin, Tentations, Québec, Garneau, 1943, 239 pages.

1re partie
Sainte-Agathe. Bérangère a perdu sa mère. Elle est élevée par une tante, une vieille bigote frustrée qui voit le mal partout, surtout dans la sexualité. Pour elle, les hommes sont tous des prédateurs et les femmes, des proies. Bérangère rencontre Roger, un jeune homme respectueux. Elle trouve un réconfort et une vision plus positive auprès de son amoureux et de sa mère Rosemonde. Ils se fiancent. Quand le père de Roger meurt, ce dernier trouve dans ses papiers des lettres qui tendant à prouver que son père aurait assassiné sa première femme pour épouser sa seconde, sa mère. Pire encore, cette dernière l’y aurait poussé. Roger  fuit, complètement dégoûté des femmes. Quelques mois plus tard, il invite Bérangère chez lui, à Montréal. Il se fait accompagner d’une prostituée, juste pour la blesser, parce qu’elle est une femme et qu’il l’associe au crime de sa mère. Bérangère, complètement traumatisée, décide de fuir à Québec. Roger finit par découvrir que les lettres n’avaient rien à voir avec sa mère et son père.

2e partie
À Québec, Bérangère, qui est infirmière,  aide une pauvre femme souffreteuse à vivre ses derniers mois de grossesse. Son mari (en fait, elle n’est pas mariée, ce que Bérangère ignore) est un voyageur de commerce presque toujours absent. En plus, c’est un ivrogne. Un soir, il abuse de Bérangère. Plutôt que de se défendre, elle fige. À partir de ce moment, cette fille croit que le mal et le péché font partie de sa nature profonde et qu’elle ne pourra rien y faire. Par vengeance, elle décide d’entraîner tous les hommes dans le vice et le péché. Un jour, elle rencontre André, un jeune homme différent des autres. Il se destine à la prêtrise. Il décide de commencer son apostolat en sauvant Bérangère. En fait, il finit par tomber dans le piège. Il est amoureux d’elle bien qu’il n’y ait aucune relation sexuelle entre eux. Un curé l’aide à retrouver le droit chemin. Quant à Bérangère, quoique meurtrie par cet abandon, elle semble avoir reconquis une certaine dignité. Elle décide de rentrer chez elle.

3e partie
Sainte-Agathe. Bérangère vient habiter chez la mère de Roger. Elle soigne Jacqueline, la jeune sœur, une petite sainte de vingt ans qui se meurt de la tuberculose. Bérangère, elle, est à la recherche du pardon. Elle apprend que Roger est entré chez les frères. Elle voudrait rentrer chez les sœurs, mais un curé lui fait voir que son salut ne peut venir de ce sacrifice, qu’elle doit le reconquérir. Elle finit par découvrir l’amour de Dieu à travers l’agonie et la mort de Jacqueline.

C’est un roman typique de la grande noirceur. Déprimant, il pose des problèmes moraux, plutôt  factices, il me semble. Martin accorde plus d’importance à la thèse qu’il développe qu’à l’action romanesque. L’analyse psychologique est très présente : les explications de l’auteur sont longues et fastidieuses. Robert Chabonneau avait inauguré le genre, avec plus de talent, quelques années plus tôt. Le cheminement de cette Bérangère est hautement discutable, pour ne pas dire non crédible. Tous les personnages sont aliénés par une religion qui mélange allègrement amour, amour de Dieu, péché, faute, miséricorde et pardon. Comme c’est souvent le cas dans les sociétés jansénistes, la sexualité est  la reine des péchés.

Extrait (la fin du roman)
 Que vous êtes bon, mon Dieu ! Vous seul avez tout préparé, tout accompli. Moi, je ne le savais même pas. Dès ma première faute vous me convertissiez sans que je le veuille. Je n'ai fait que vous désirer vaguement, une après-midi du mois d'août dernier, à une heure de chair, alors que l'odeur écœurante et charmeuse des sens avait tout envahi, même l'âme de votre André. Je n'ai fait que vous désirer, et vous êtes venu !
Pourtant, de vous à moi, il n'y avait que les routes de mes péchés. Pas à pas vous m'y avez accompagnée, par cet intolérable dégoût qui ne me permettait pas de m'enliser définitivement, d'aimer mon enlisement. Oui, même au fond de la turpitude, il y avait votre Signe en moi. Ce n'est pas au mal que j'étais marquée; personne n'est marqué au mal. C'était à vous.
J'ai toujours côtoyé des êtres qui ne m'étaient rien. C'est vous qui faisiez le vide autour de moi, pour que je vous voie, vous seul. Vous m'avez ainsi conduite jusque sous votre main levée pour m'absoudre. Ce fut alors comme si mon âme abandonnait mon corps et montait.
Il est donc vrai, mon Dieu, que le pardon divin et le rachat sont toujours à la portée d'un geste humain, et que c'est encore à votre Bonté que l'homme doit d'être capable de ce geste.
Je vous ai cherché si longtemps, ô bien-aimé, sans comprendre que c'était vous. Je vous reconnais, enfin! Faites de moi ce que vous voudrez.
Le vase éclatait dans ses mains pour le Maître invisible. Son sacrifice parfumait la chambre. Ses cheveux cherchaient des pieds à sécher.
Le lendemain, Pâques. Bérangère revenait de communier, à la basse messe, l'âme légère et pourtant toute gonflée de Dieu. Elle entra dans la chambre de Jacqueline à pas feutrés; la chère malade avait bien dormi, cette nuit.
— Elle dort encore ?
La mère agenouillée tout près du lit, leva sur l'arrivante un regard si pathétique, sa figure mouillée était si belle dans cette douleur quand même souriante, que Bérangère comprit.
Tout doucement, ne voulant pas briser ce silence de Dieu descendu sur la maison, Jacqueline, cette jeune fille de vingt ans, venait de partir en cachette pour rentrer chez elle.
— Maman !
Ce cri spontané de Bérangère la jetait dans les bras de Rosemonde. Elles sentirent qu'un lien plus fort qu'une profonde amitié les unissait désormais.
— Ma fille! Ma petite fille! Jacqueline, dans la mort, souriait. (p. 238-239)

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