5 juillet 2010

Carabinades

Ernest Choquette, Carabinades, Deom frères, Montréal, 1900, 226 pages. (Couverture et illustrations d’Ozias Leduc)

La dédicace se lit comme suit : « À mes confrères - rien qu’à mes confrères – ex-carabins et ex-carabines, je dédie ces carabinades. »

Le recueil compte 26 nouvelles, la plus longue contenant 12 pages. On l’aura compris, presque toutes ont comme cadre le milieu médical, ce qui représente déjà un défi en soi, même si l’auteur est médecin.

Tout n’est pas mauvais dans ces Carabinades. Quand l’auteur se met en tête de « faire du style », ce n’est pas toujours heureux. Certains récits sont quand même de belles réussites qui mériteraient de figurer dans une anthologie. L'auteur a beaucoup d'humour. Le livre est très petit (15 cm), ce qui ne rend pas justice aux illustrations de Leduc. Il est imprimé à l'encre rouge.

The country doctor
Poème en anglais de William Drummond.

Le lit No 38
Un jeune médecin accompagne les derniers jours d’une Française, émigrée au Canada par amour. Touchant.

Ils étaient cinq
Les frasques de cinq carabins dans un bistro.

Les sauvages
Un père laisse croire à sa fille qu’il a combattu des « sauvages », ce qui fait le tour du village.

Le docteur Santa Claus
Un médecin se transforme en père Noël pour soigner l’enfant malade d’une famille pauvre.

Mes disséqués
Tous les morts qui ont été disséqués apparaissent au narrateur. Climat bien rendu.

Une erreur de diagnostic
Pour épouser son amoureux, une jeune fille laisse croire qu’elle est enceinte. Amusant.

Premiers cas
Deux médecins racontent leur premier cas : pour l’un, une dent qui refuse d’obtempérer; pour l’autre, la diarrhée d’une petite vieille. Comique.

Avec mes chiens
Le narrateur se promène en montagne avec ses chiens. Réflexion sur la nature humaine.

Souvenir d'hôpital
Un jeune médecin soigne avec succès une jeune cabaretière que tout le monde apprécie.

La petite Lise
Le médecin laisse croire à tout le monde que Lise a une tumeur au ventre, ce qui lui permet de pratiquer un avortement. Audacieux.

L'arbre de Noël de Pomponne
Les parents préparent avec une « joie enfantine » l’arbre de Noël que leurs enfants vont découvrir le lendemain.

Un chanceux
Le narrateur et son ami écrivent une lettre d’amour à une Irlandaise dont ils sont épris en signant le nom d’un copain dont ils veulent se moquer.

Les chers confrères
Suite de faits cocasses, sans lien entre eux, ayant pour cadre le milieu médical.

Une drôle d'opération
Deux médecins discutent d’un célèbre chirurgien qui a opéré un député prétentieux qui voulait « péter plus haut que le trou » (sic). Grosse farce. (Lire l’extrait)

En route
Les pensées et les rencontres d’un médecin qui s’en va, sur un chemin de campagne, soigner une patiente.

Mon dernier chemin de croix
Un médecin, père d’un jeune enfant, promet un chemin de croix si le croup épargne son fils.

Oh! la bonne formule
Un médecin prétend guérir l’alcoolisme à l’aide d’un médicament.


Pas encore lui
Dans l’attente d’un accouchement, un médecin admire la vie bucolique des paysans.

Loulou
Un carabin, venu de la campagne, se décide à accompagner ses compagnons au bordel.

Vengeance de carabin
Un carabin se venge d’un prêtre qui lui a refusé une permission de sortie.

Pauvre Jalap
Les maîtres pleurent leur chien Jalap, happé par un train.

Le docteur « La galette »
Un fermier va livrer du beurre dans une maison close.

La Gritte
Un carabin apporte son « cadavre de dissection » en classe.

C’est c’t’anglais
Un carabin courtise une Anglaise.

La médecine au XXe siècle
Projection humoristique de la médecine à l’ère de la technologie.

Le vieux docteur
Le bilan de vie d’un vieux médecin retraité.

Lied
Poème du docteur Nérée Beauchemin. « Je ne sais qu’une ballade, / Celle que, de l’aube au soir, /Je chante au cœur du malade : / La ballade de l’espoir »

À lire ce recueil, on devine que l’auteur devait être un fameux conteur. On s’imagine que, dans une réunion entre confrères, il devait être le centre d’attraction, ayant toujours une « bonne histoire » à raconter. Car, disons-le, beaucoup des récits de Choquette sont des anecdotes comiques, des frasques de collégiens, des situations incongrues de la vie, que l’on se plaît à raconter aux amis. Ceci dit, quelques récits sont plus traditionnels, plus développés, proposent une certaine vision du médecin de campagne de la fin du XIXe siècle. On trouve deux ou trois histoires étonnantes, osées, pour le Québec censuré de l’époque.

Extrait
À cette heure-là, les échos de la vogue tarasconnaise qui avait salué d'un tintamarre épouvantable l'arrivée de l'avis de notre fameux confrère, le docteur Coutelas assourdissaient les oreilles.

Les titres de ce magnifique charlatan: — chef de clinique aux hôpitaux de Londres, ex-interne des hôpitaux de Paris, correspondant de la "Lancette" d'Alger, membre de la société médicale de New-York, masseur de Sarah Bernhardt, serineur des cliniques de Péan, doucheur chez l'abbé Kneipp. inventeur de la méthode néo-nervoso-électro-bromo-magnétique, — couvraient la première page de nos journaux.

Sur la seconde page, c'était le récit, détaillé de ses hauts faits d'armes. Il avait par là-bas cathétérisé le comte de Chambord, administré des clystères à la duchesse d'Uzès, enlevé le petit pansicot à un vieux mandarin, opéré quatre crevés de haute marque, extrait la dent que Prumont avait contre les Juifs...

Mais c'est ici qu'il fallait voir ça.

Ce n'était rien moins que des guérisons étonnantes, merveilleuses, miraculeuses de patients happés en pleine agonie, à moitié ensevelis, déjà à trois pieds sous terre, ouf! et gentiment déposés en un rien de temps, grassouillets, rougeauds, prêts à faire de la haute voltige, entre les mains des parents qui n'avaient seulement pas le temps d'essuyer leurs larmes tant ça se faisait vite.

Une belle-mère même — la Presse rapportait ça — enterrée depuis cinq jours, avait été retirée par lui de son tombeau, toute mangée de vers, les organes en compote, et remise — après si peu de temps de respiration artificielle et d'inhalation d'oxygène, qu'elle sentait encore le cadavre — à son gendre furieux dont elle reprenait possession de l'héritage.

Par contre-coup naturellement une baisse surprenante, s'était faite dans les pèlerinages a Beaupré. La bonne sainte Anne boudait sur son autel; les curés de paroisses, absolument désorientés, ne se rattrapaient plus qu'avec des bazars, et j'en connais qui ont été obligés de tirer des plans inouïs, d'installer des troncs à toutes les marches des balustres, de prétendre même que la sainte Vierge leur était apparue, pour faire mousser la recette. (p. 121-123)
Lire le recueil

Ernest Choquette sur Laurentiana

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