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21 février 2007

Charles Guérin

Pierre J. O. Chauveau, Charles Guérin, Montréal, John Lovell, 1852, 360 pages. (Une partie du roman est d’abord parue en 1846-1847 dans L’Album de la Revue canadienne. Le roman a été publié en 1852 en six fascicules, ici reliés. Les illustrations sont de John Walker. L'éditeur Georges-Hypolite Cherrier a écrit un avant-propos.)

R…, une « riche paroisse de la côte du sud », vers 1830. Les Anglais règnent en maître et avec arrogance sur le Canada français. Charles Guérin est orphelin de père. Sa famille possède un domaine, sans être très à l’aise. À la fin de ses études classiques, il lui faut choisir entre le droit, la religion, le notariat ou la médecine : « En dehors de ces quatre professions, pour le jeune Canadien instruit, il semble qu’il n’y a pas de salut. » (souligné par l’auteur) L’état ecclésiastique l’attire un temps, mais il opte finalement pour le droit, sans trop y croire tant il est difficile pour un Canadien français de percer ce milieu. Il a un frère, Jacques, qui choisit de quitter le pays pour l’Europe. Il a aussi une sœur, Louise, qui demeure avec sa mère.

À Québec, pendant ses études, Charles fait certaines rencontres : entre autres, il se lie d’amitié avec Henri Voisin, un ambitieux qui croit que les Canadiens français doivent s’anglifier (sic) pour survivre. Charles est très attiré par la vie mondaine et les cercles littéraires. Il finit par se désintéresser du droit. M. Dumont, le directeur de l'étude où il est stagiaire, a l’idée de l’envoyer chez son beau-frère, un riche cultivateur, pour lui remettre les idées en place. Là, il rencontre Marie Lebrun (Marichette, pour les intimes), une paysanne orpheline de mère à qui son père a payé des études. Elle devient son premier amour. Comme il veut l’épouser, Marichette lui demande de prendre un peu de temps, ne serait-ce pour consulter sa famille.

M. Wagnaër est le voisin des Guérin : c'est un homme d’affaires sans scrupules qui convoite leur propriété depuis longtemps. Il a même demandé la veuve en mariage! À défaut de la mère, il encourage sa fille Clorinde à fréquenter Louise Guérin pour mieux atteindre Charles. Son manège réussit d’autant mieux que Clorinde est séduite par le jeune homme qui répond bientôt à cet amour. Charles ne pense même plus à Marichette. La mère, séduite aussi par la jeune fille, cède la gérance des affaires familiales à Charles. Monsieur Wagnaër, qui n’a jamais renoncé à ravir ce bien, avec l'aide d'Henri Voisin, réussit facilement à berner Charles. Celui-ci, trahi par son ami et par le père de son amoureuse, rompt sa relation avec Clorinde qui, plutôt que d’épouser Voisin, entre chez les sœurs.


La famille Guérin, ruinée, déménage à Québec. Le choléra de 1832 sévit et emporte la mère, au moment où son fils parti en Europe revient. Il s’est fait prêtre. M. Dumont meurt également et il laisse les deux-tiers de ses richesses à sa nièce Marie Lebrun et l’autre tiers à Charles Guérin. Celui-ci veut renoncer à ce legs au profit de Marichette. Leurs amours reprennent et ils se marient. Charles avec l’aide de ses amis et de son beau-père décide de fonder une nouvelle paroisse dans les « townships » sur les terres héritées de M. Dumont. Il devient prospère et on veut lui « déférer la députation au prochain parlement ».

P. J. O. Chauveau - BAnQ
Pour vous donner une idée du ton, voici la première phrase du roman : « À l’époque où commence cette histoire, le jeune homme dont nous allons raconter la vie intime avait seize ans accomplis. » Dans son manuel d’histoire littéraire, Camille Roy écrit : « C’était un premier essai de roman de mœurs, mais la composition en est languissante et inexpérimentée.» Je suis assez d’accord avec lui. C'est long et plutôt aride comme lecture. Trop souvent, Chauveau disserte : par exemple, il commence le chapitre 7, intitulé « Caprice et devoir », par un exposé de cinq longues pages moralisatrices sur l’importance du devoir. On trouve un peu de tout dans ce roman, et même des statistiques sur l’émigration aux États-Unis, et même des conseils pour réussir en agriculture. Ainsi, dans une note, a-t-on droit à un extrait de « l’excellent Abrégé de géographie moderne » de M. Holmes. On y dispense aux agriculteurs-lecteurs (!) neuf judicieux conseils, comme « rendre à la terre autant qu’on lui enlève », « observer la rotation des cultures », « élever avec soin les races les plus utiles », etc. Je vous épargne les développements.

Même si Chauveau situe l’action de son roman en 1830, un peu avant la Rébellion des patriotes, il faut se rappeler qu’il l’a écrit après l’Acte d’union et il en porte les stigmates. Si on accepte de lire le roman comme un document historique, ethnologique (belle description du mai, de la mi-carême, de la ville de Québec, du Saint-Laurent), il devient intéressant.


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