Us et coutumes dans Le Survenant

Un verveux


(Édition de référence : BQ, 1990)

« Il faisait d’ailleurs cela assez sommairement en traçant, sous les yeux de tous les assistants et sur la croûte du pain tenu bien en main, un signe en forme de croix avec le gros couteau, qui l'instant d'après, allait servir à trancher la miche ». (p. 20)
Selon une ancienne tradition, avant chaque repas, le chef de famille devait bénir le pain avant de le trancher. (Hector GRENON, Us et coutumes du Québec, Montréal, La Presse, 1974, p. 170.)

« À mesure qu'elle approchait de l'habitation des Beauchemin, le silence et l'immobilité autour du fournil étonnèrent Angélina. » (p. 32)
De décembre jusqu'au mois de mai, on habitait le haut-côté, c'est-à-dire l'habitation principale. Du mois de juin jusqu'au mois de décembre, la vie se passait dans le fournil. La plupart du temps, le fournil était constitué d’un petit bâtiment indépendant entre la maison et la grange. Parfois, il était attenant à la maison (cuisine d’été) ou à la grange. L’hiver, il servait d’atelier, de chambre froide ou de remise.

« Anciennement Marie-Amanda et la mère Mathilde comme la plupart des femmes du Chenal du Moine et du rang de Saint-Anne, n'auraient jamais songé à s'encabaner avant la Toussaint. » (p. 32)
La Toussaint, la fête des morts, a lieu le premier novembre. Selon la légende, les Morts reviennent sur la terre pour tourmenter les vivants qui ne sont pas en paix avec eux-mêmes. La messe du dimanche est suivie de la criée pour les défunts : les paroissiens, pour se faire pardonner quelques écarts de conduite ou pour obtenir une faveur, offrent un produit récolté ou fabriqué qui sera vendu à l'enchère après la grand-messe. Après la criée, les paroissiens vont se recueillir sur la tombe de leurs parents et amis défunts.

La guignolée (p. 96)
Dans Le Survenant, le matin du jour de l'An, on passe la guignolée Selon la tradition, cela se passait plutôt la veille du jour de l'An. En plus des chansons et des petites rasades d'eau de vie, on ramassait des vivres qui étaient distribuées aux plus démunis.

La guignolée (E.-J. Massicotte)

« J'ai eu trop peur que le pont de glace vinssît pas prendre à temps pour les fêtes. »(p. 83 et p. 93)

Le pont de glace se formait d'abord à la hauteur du Lac-Saint-Pierre. Règle générale, en décembre, on pouvait y circuler en toute sécurité. (PROVENCHER, p. 525) Ce pont permettait de se rendre sur les îles et de relier les deux rives du St-Laurent. 

Les mœurs électorales (p. 105)
La politique, au temps de nos ancêtres, était souvent une « affaire de famille ». On était rouge (libéral) ou bleu (conservateur) de père en fils. (Les Québécoises vont obtenir le droit de vote en 1940). Les élections donnaient souvent lieu à des « foires d’empoigne ». Et on n’appliquait pas les règles d’éthique en vigueur aujourd’hui. Il était courant qu’on essaye d’acheter des votes avec de la boisson ou des promesses. Par exemple, tous ceux qui occupaient des postes gouvernementaux (la voirie, la poste…) étaient remplacés au profit de partisans adverses quand le pouvoir changeait de main.

Les veillées (chapitre 10)
Pendant tout l'hiver, des Rois jusqu'au Carême, les veillées se succèdent. On discute, on raconte, on danse, on chante et on prend un petit coup. (p. 107-110)  La fête des Rois a lieu le 6 janvier. Pendant le Carême (40 jours avant Pâques), il faut jeuner, c’est-à-dire se priver de tout superflu (et plus encore pour certains). On en profite donc pour se donner du bon temps, d’autant plus que le travail des paysans est au ralenti pendant cette période de l’année.

Une veillée (E.-J. Massicotte)

Les inondations (p. 120)
« Les agglomérations qui ont eu à subir les méfaits de la crue ne se comptent plus. Le fleuve n'est pas « fiable », dit-on, dans les Cent‑Îles du lac Saint‑Pierre. De 1862 à 1891, la cote d'alerte de quatre mètres est dépassée une année sur deux. Mais, dans ces îles, la débâcle est une incommodité moins grave pour les habitants par le fait même qu'elle est habituelle. Sans compter que l'eau, en se retirant, laisse sur les terres de cet archipel un dépôt produisant les mêmes effets qu'un engrais. « Au temps des grandes inondations, remarque-t-on, le foin pousse tout seul. » Grâce à la crue printanière, la vocation de terres à foin de ces Îles du lac Saint-Pierre est toute trouvée. » (PROVENCHER, p. 61)

Pâques (p. 130)
À Pâques (fête religieuse qui rappelle la résurrection du Christ), il fallait se lever de grand matin pour aller cueillir, avant la levée du soleil, l'eau de Pâques dans un ruisseau ou une rivière (de l’eau vive). Cette eau, en plus d'être inaltérable, possédait des vertus curatives : elle guérissait les problèmes de peau et d'autres maladies. Il semblerait même qu'on pouvait assister à un phénomène atmosphérique hors du commun : le soleil dansait.

Le rat musqué (p. 141)
On chasse le rat musqué au printemps quand la glace recouvre les lacs. Comme il pratique un trou pour venir respirer, il suffit alors de l’abattre quand il pointe son nez. Quand les lacs calent ou débordent, on doit trouver l’abri de l’animal et poser un piège à l’entrée. On le chasse pour sa fourrure, mais aussi pour sa chair, laquelle on peut consommer le vendredi et les jours maigres.

« Dans les Cent-Îles du lac Saint-Pierre, ce plat pays où le Saint-Laurent s'égare en de multiples chenaux, le rat musqué abonde. Il se creuse aisément des abris dans les matériaux meubles qui constituent les berges des îles et arrive à se nourrir grassement des racines des plantes aquatiques. Là, la chasse au rat musqué est une activité printanière importante et les peaux sont vendues à bon prix à Sorel. » (Paul Provencher, Les Quatre Saisons dans la vallée du Saint-Laurent, Montréal, Boréal, 1988, p. 123)

Le système seigneurial (p. 157)
Le système seigneurial a été inauguré en 1627. Ce mode de découpage du territoire a influencé le peuplement : les seigneuries étaient réparties de part et d'autre du Saint-Laurent. Une seigneurie était formée d'une bande rectangulaire, perpendiculaire au fleuve. Le seigneur, à son tour, la découpait en bandes étroites pour que les censitaires du premier rang puissent avoir accès à la voie de navigation que constituait le Saint-Laurent. Le seigneur, qui occupait une partie de la seigneurie, devait construire un moulin à blé et prêter assistance aux censitaires. En retour, ceux-ci payaient certaines redevances et participaient aux corvées prévues par le régime. Ce système ne laissait pas de place au village, si bien que le Québec d'avant la Conquête était constitué d'un ensemble de rangs qui s'étendaient de part et d'autre du Saint-Laurent, de Montréal jusqu’à Pointe-au Père. Le système seigneurial a été aboli en 1854, même s'il avait cessé d'être mis en œuvre en 1760.

Les bohémiens (p. 168)
L’été, les Bohémiens apparaissaient sur les routes du Québec. Ils voyageaient dans des voitures recouvertes de toile et campaient le long des routes. Souvent, ces caravanes étaient accompagnées par quelques chiens. À l’automne, elles s’envolaient vers les États-Unis, pour des raisons de chaleur. Comment gagnaient-ils leur vie? Ils « fabriquaient des chaises berçantes, de petites tables avec le bois des arbres qui s’élevaient à proximité de leur installation provisoire. Le produit de la vente de ces articles leur procurait le nécessaire. Leur ambition était limitée à l’essentiel. Un autre groupe donnait un spectacle dans les villages, à un endroit où un grand rassemblement était possible : en face de la forge, sur la place de l’église après la messe du dimanche. » (Thérèse SAUVAGEAU, Au matin de notre histoire. Souvenirs de nos ancêtres, Éditions Anne Sigier, Sainte-Foy, 1992, p. 125-126)

La maison du Gouverneur (p. 169)
En 1781, Sir Frederick Haldimand, le gouverneur de Québec, construisit un manoir sur le Richelieu (utilisé plus tard comme maison d’été par les gouverneurs généraux du Canada) et il fit des plans pour ériger une ville (Sorel) qu’il voulait habitée par des Loyalistes.

Le calendrier liturgique
« Il ne faut donc pas être surpris que, dès 1667, Monseigneur de Laval rédige une liste des jours fériés, liste révisée au début du XVllle siècle par son successeur Monseigneur de Saint-Vallier. Trente-sept grandes fêtes viennent ainsi s'ajouter aux cinquante-deux dimanches, ce qui fait plus de quatre-vingts jours chômés par an comportant tous la célébration de la messe et diverses festivités spécifiques. » (Francine LEBOEUF, Échos d'antan, Montréal, Éd. Paulines, 1991, p. 36)

La « commune »
« Il arrive encore, selon les régions, qu'un groupe d'habitants bénéficie d'un terrain libre et public où il est permis de faire paître les animaux en commun durant un certain temps de l'année. C'est le terrain de la « commune », prévu par le régime seigneurial et pour l'usage duquel chaque censitaire paie au seigneur une légère redevance. Généralement on choisit des îles en guise de terrains communaux. Elles présentent l'avantage de ne pas nécessiter de clôtures et constituent une garantie contre les fraudeurs qui ne peuvent alors opérer qu'au moyen de chaland. Sans compter qu'inondées au printemps, ces îles s'enrichissent d'un limon qui donne durant l'été une herbe plus grasse. » (PROVENCHER, p. 92)

BIBLIOGRAPHIE
GRENON, Hector. Us et coutumes du Québec, Montréal, La Presse, 1974, 334 p.
LEBOEUF, Francine. Échos d'antan, Montréal, Éd. Paulines, 1991, 71 pages.
PROVENCHER, Paul. Les Quatre Saisons dans la vallée du Saint-Laurent, Montréal, Boréal, 1988, 605 p.
SAUVAGEAU, Thérèse. Au matin de notre histoire. Souvenirs de nos ancêtres, Éditions Anne Sigier, Sainte-Foy, 1992, 223 pages.



Aucun commentaire:

Publier un commentaire