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11 novembre 2022

La Grand-tronciade

Arthur Cassegrain, La grand-tronciade, Itinéraire de Québec à la Rivière-du-Loup, Ottawa, G. E. Desbarats, 1866, 96 p.

 

« Faire rire, tel est mon but, à moi, dans ce poème, ouvrage badin, que j'ai fait, comme en jouant, pour égayer d'abord les lecteurs d'un journal, où il a déjà paru en grande partie, et que je publie maintenant au complet pour l'amusement du bon public. »

 

Ce « premier poème d'invention de longue haleine […] sur la scène littéraire de notre pays » est dédié à M.  Monsieur J. C. Brydges, « le noble enfant de la vieille Angleterre, / Qui le premier de rails sillonna notre terre. »

 

Cassegrain, sur les modes humoristique, sarcastique et burlesque, raconte une voyage de Québec à Rivière-du-loup. Les passagers embarquent d’abord sur un « vapeur » qui leur permet de rejoindre Lévis où ils montent dans le train. On appelait le chemin de fer le Grand Tronc, d’où le titre de l’auteur, calqué sur l’Illiade. Disons-le, les références à l’Antiquité pullullent dans ce poème qui se donne de faux airs épiques : tous les dieux y passent, comme si l’auteur craignait qu’on le prît pour un inculte en raison du sujet et de son traitement. 

 

L’auteur, dans le dépôt (ainsi nomme-t-il la gare) de Québec, nous présente les personnages qui vont animer cette randonnée, car le récit porte d’abord et avant tout sur les voyageurs. On y trouve un microcosme de la société : des politiciens, des avocats, des médecins, des commerçants des habitants, des écoliers, des touristes qui s’en vont pêcher ou profiter des plages, des amoureux, des commères, etc. Aucun de ces personnages n’échappent au regard sarcastique de l’auteur, les plus importants étant les plus maltraités. Il raconte l’esbrouffe d’un politicien, le désaccord des amoureux, les appétits rapaces des avocats en quête de clients, les frasques de trois jeunes hommes, le commérage des dames (Bien qu’il s’en défende, l’auteur donne dans la misogynie).

 

L’auteur fait un clin d’œil aux différents écrivains de son époque quand il traverse leur village natal : Fréchette, Aubert de Gaspé, Casgrain.

 

À l’occasion, il décrit le fonctionnement du train : « Alors des employés la bande fort active / S'en va remplir les flancs de la locomotive / Avec le bois et l'eau qui sont sa ration ».

 

Il mentionne les différents lieux traversés par le train : Montmagny, Saint-Jean-Port-Joli, Sainte-Anne de La Pocatière, Saint-Pacôme, Rivière-Ouelle, Kamouraska et, finalement, Rivière-du-loup. Chacun de ces lieux donne lieu à quelques anecdotes, par exemple sur sa vie étudiante au Collège de la Pocatière ou sur la légende de Cap-au-diableà Kamouraska. L’Islet, le lieu d’origine de l’auteur, reçoit un traitement royal : 

 

Le monstre aux reins d'acier sur les rails s'avançait. 

Un instant il s'arrête au cap de Saint-Ignace, 

Fameux par ses melons et comme endroit de chasse. 

(Pour preuve il me souvient, qu'y tirant au hasard, 

J'y blessai sans malice un malheureux canard). 

Du Cap à l'Anse-à-Gille, on est rendu bien vite : 

Lecteurs, à contempler, ici je vous invite : 

L'Anse-à-Gille à l'Islet sert d'introduction, 

Car entre elle et le cap c'est le trait-d'union. 

Or l'Islet est l’orgueil de nos Laurentiennes, 

La perle, le joyau des plages canadiennes. — 

Que l'on permette ici qu'un enfant de ces lieux 

Rende à son sol natal un hommage pieux ! 

Ma foi, pour son pays toute âme est partiale : 

Ne m'en voulez pas trop la chose est générale. 

 

* * 

Qu'on vante les ilôts ornant Kamouraska, 

Et les bains recherchés que donne Cakoûna, 

A tout je te préfère, ô mon Islet chérie, 

Je t'aime cent fois plus que la douce Italie ! 

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