11 novembre 2021

Péché d'orgueil

Adolphe Brassard, Péché d'orgueil, Montréal, Imprimerie des sourds-muets, 1935, 262 pages.

On est en 1907. Gilberte, une orpheline, vit seule avec son oncle depuis que sa tante est décédée. Joachim Bruteau est un vieil égoïste qui traite sa nièce comme une servante. Un accident de voiture vient perturber leur petit train-train. Étienne Bordier, l’ingénieur accidenté, est recueilli chez eux et il tombe amoureux de Gilberte. Rapidement il l’épouse mais il doit la quitter pour un travail dans le Grand Nord. Elle est enceinte et elle revient vivre avec son oncle en attendant le retour de son mari. Elle ne survit pas à la naissance de son enfant. Pour se venger d’Étienne qui lui a volé sa nièce, l’oncle dépose l’enfant à la crèche, tout en disant qu’il est décédé.

De retour, Étienne est dévasté, ce dont l’oncle se réjouit. Il retourne dans le Nord pour oublier. Six ans plus tard, le cousin d’Étienne et sa femme adoptent sans le savoir Paul, l’enfant d’Étienne et de Gilberte. Celui-ci grandit, termine son cours classique. Un jour, il apprend qu’il est un enfant issu d’une crèche, donc illégitime, et il en est dévasté. Les années passent, il finit ses études, se fait un nom et rencontre Alix de Busques, une jeune fille qui se considère aristocrate et qui n’a que mépris pour Paul et ses origines douteuses. Elle finit pourtant par l’épouser, par orgueil, parce qu’il l’a provoquée. Leur relation tourne vite au vinaigre. Ils s’entendent pour préserver les apparences.

Au même moment, le vieux Joachim fait parvenir à Étienne, toujours dans le grand Nord, une lettre lui demandant de passer le voir. Pour compléter sa vengeance, le vieux lui jette à la figure le fait qu’il a placé son fils dans une crèche. Étienne se met à sa recherche et découvre que son fils a été adopté par son cousin. Les retrouvailles entre le père et le fils se passent très bien.

Le mariage de Paul et Alix bat de l’aile. Les deux s’aiment mais ratent toutes les occasions de se rapprocher (le péché d’orgueil du titre). Sur le lit de mort d’Étienne, Paul raconte à son père l’amour qu’il porte à sa femme, ce que cette dernière entend. Ils finissent par se parler vraiment et, comme il se doit, l’amour triomphe.

Ce récit adopte la trame des récits populaires. Les personnages sont campés dans des travers poussés au paxoxysme. Ainsi en est-il de l’orgueil d’Alix, de l’amour d’Étienne ou de la méchanceté du vieux Joachim. Cela conduit à des invraisemblances psychologiques auxquelles le lecteur de roman populaire doit prêter foi pour ne pas briser l’illusion. Brassard raconte, tantôt avec finesse et tantôt de façon ampoulée, les aventures de ses héros. Le roman est plutôt bien écrit et l’humour allège le caractère mélodramatique du roman.

Extrait

« Alix frémit. Amour, ce mot venait de descendre dans son cœur, et donnait un nom à ce qui s’y passait. Elle ne se défendit pas pour nommer celui qui la jetait dans cet émoi troublant. Elle aimait son mari, et pour se l’avouer, elle sentit son amour grandir et la prendre toute. Empoignée par la sublimité de ce chant vainqueur, la jeune femme l’écoutait dans le ravissement, mais soudain, comme ces nuages subits qui cachent le soleil et jettent de l’ombre sur les choses resplendissantes, une angoisse terrible faite d’une certitude absolue, irréfutable, vint l’affoler puis la terrassa: elle aimait Paul, mais lui ne pouvait plus l’aimer, jamais. Alix vit avec épouvante la vie qui allait être la sienne, une vie de dissimulation et de souffrance. Son amour, il devra se consumer ignoré, elle devra le cacher à celui qui l’avait fait éclore […]. En songeant à l’humiliation qui l’écraserait si Paul un jour venait à découvrir qu’elle l’aimait, Alix fit appel à son orgueil pour lui éviter cet affront. Il arriva en se faisant prier mais la fierté de la jeune femme bondit et arriva à la rescousse. Non, elle, Alix de Busques, ne deviendra pas la risée de Paul Bordier. Personne ne connaîtra le secret de son cœur… » (p. 142-143)

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