LIVRES À VENDRE

13 août 2021

La tragédie de la forêt

Gustave Keller-Wolff, La tragédie de la forêt, Montréal, s.n., s.d., 153 p. (Préface de l’auteur)

Contrairement à ce qu’on dit dans le DOLQ, Keller-Wolff était au Québec dès les années 30. Il a enseigné les langues à Montréal. Il a aussi publié poèmes et nouvelles dans les journaux de l’époque. C’est sa mère qui lui a appris le français. 

 

L’oeuvre n’est recensée nulle part et ne porte pas de date, sinon à la fin de la préface : 1935. Le roman, qui comprend beaucoup de références culturelles, est bien écrit, malgré quelques digressions vraiment hors-propos de l’auteur.

 

Le récit se déroule en Allemagne, pays d’origine de Keller-Wolff. Il met en scène deux frères ennemis, Fink et Ulric Herne, les deux travaillant pour le comte Schaffgotsch. Ulric a pu faire des études supérieures ce qui ne fut pas le cas pour Fink, à cause du décès prématuré du père. Ce dernier en éprouve de la jalousie. 

 

Le récit repose sur un triangle amoureux. L’épouse de Fink, Lore, était l’ancienne amoureuse d’Ulric, mais en raison de son absence prolongée, et poussée par sa famille, elle a fini par épouser Fink, mariage dans lequel elle est malheureuse. Ulric revient et la convainc de divorcer et de l’épouser. Un drame va contrecarrer leur plan. 

 

Les deux frères sont des forestiers. Et tous les deux sont des chasseurs. On a repéré sur le territoire des frères Herne un cerf qui porte des cornes rarement vues, et les deux frères le convoitent. Des braconniers ont été aperçus et Fink monte la garde. Quand il entend un coup de feu, il se précipite, croyant que le tireur le menace. Au cours d’un échange de tirs, il l’abat sans savoir que c’était son frère. On va innocenter Fink. Sa femme, en visite chez sa mère, ne veut plus retourner auprès de lui. Elle envisage plusieurs solutions, mais choisit finalement celle dans l’extrait.  

 

Extrait

Elle devait se décider, le coup de huit heures était sonné. Encore une fois elle rumina tous ses projets sans but visible.

Pourquoi parler au père qui d’ailleurs avait comme idée fixe qu’elle se refusait à la corvée de la grossesse et de l’accouchement et qui lui reprochait de se dérober à la maternité ? Les projets s’entrecroisaient confusément dans sa tête, le frère aîné, les parents de la ville, Fink, tout l’écœura. 

Impossible ! ! Elle entendit encore le clocher sonner la demi-heure. Le monstre s’approche. Étendra-t-il ses griffes, ses griffes souillées du sang d’Ulric Herne ?

Elle se lève. Le monstre grimace devant elle, elle étend la main pour s’en défendre.

Enfin, elle a trouvé, elle voit le sauvetage. Son sauvetage c’est le « nirvana ».

Elle s’avance sur le sapin qui surplombe l’eau glauque, elle marche d’un pas assuré jusqu’au bout. Ses yeux s’élèvent vers la voûte d’azur comme une madone transfigurée. Le vent ondule ses cheveux blonds. Le vent plisse sa robe, il moule son corps harmonieux comme une cariatide antique. — Elle est debout. L’onde est un miroir. A-t- elle jamais reflété créature plus belle ?

« Ulric », s’écrie-t-elle, «je te reverrai, je vais au nirvana ! » L’onde perfide se referme sur elle et devient son tombeau.

Les cercles de l’eau s’élargissent de plus en plus comme une auréole au sacrifice. Puis, plus rien que le calme de la nature.

Un papillon se pose sur une pensée à la rive. Un héron dans son vol rase la surface du lac. Un gamin débouche du carrefour et mène ses vaches à la prairie. . .

Deux jours après on retrouva le corps de Lore Herne au milieu des osiers. Elle gardait encore sur son cœur le dernier poème d’Ulric Herne:

 

Au clair de la lune, si loin des villes,

Dorment champs et bois leur sommeil tranquille —

Me voici assis sur une pierre déserte

Dans l’attente du cerf, la bête alerte.

Mais soit que je repose, que je fasse la ronde,

Ton image partout me suit dans le monde,

Ton aimable regard, ton sourire si doux

Me réjouissent à jamais, m’enchantent surtout;

Une brise lointaine me chante à l’oreille

Tes tendres mots, murmurés la veille —

Ah ! je connais l’obstacle obscur,

Mais je saurai bien détruire ce mur

Qui si cruellement se lève, nous entoure.

Mais ne peut ébranler notre grand amour.

Aux ailes de la chimère je voudrais t’atteindre

Pour mon cœur au tien à jamais rejoindre !

Sublime, comme cette nuit, dans sa blanche clarté

Rayonne notre amour jusqu’à l’éternité.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire