2 juillet 2021

Chante Rossignol, chante

Lionel Léveillé, Chante Rossignol, chante…, Montréal, L’Éclaireur, 1925, 122 pages.

« Il laisse à d'autres le goût d’éblouir et de foudroyer : il ne cherche qu’à créer la jouissance aimable qui naît de sensations ténues, d'aperçus pittoresques, de syllabes sonnant juste et de mètres finement ouvrés. Ne croyons pas que cette ambition, pour être moins altière, soit sans côté ardu et n’exige aucun genre d’effort; elle réclame, au contraire, une invention, un tour de main, un soin minutieux auxquels peuvent seuls suffire le talent et le métier réunis. « (Louis Dantin, Poètes de l’Amérique française, p. 141-142)

La musique constitue l’élément unificateur du recueil. Le plus souvent, ce que recherche Léveillé, c’est l’harmonie. Les vers doivent couler de source, s’enchaîner sans hiatus, plaire à l’oreille. Pour ce, il emprunte beaucoup à la chanson, à commencer par son titre. D’autres chants traditionnels du Canada français (« Belle bergère », « Il était un petit navire », « À la claire Fontaine », « En roulant ma boule… ») sont mentionnés : souvent, Léveillé leur emprunte un vers ou deux et les répète tel un refrain. Il utilise aussi à l’occasion des dictons, voire des clichés et brode sa toile autour d’eux : « Le chemin du ciel est semé de ronces », « on doit juger l’arbre à son fruit » …

Autre caractéristique qui saute aux yeux (et probablement à l’oreille) : Léveillé fait grand usage de l’hexasyllabe et de l’octosyllabe, vers plus souples, plus vifs.

Le plus souvent, le ton est léger, amusé, même si l’enfance, la mère, l’amour, la vieillesse, la mort… ne sont pas tous des sujets toujours drôles. 

Des poèmes plus graves terminent le recueil : le poète dénonce les inégalités sociales, l’exploitation des faibles, comme dans « Monsieur Cochon ».

Monsieur Cochon

Place au groin et déférence!

Par scrupule ou par malveillance 

Il n’est, certes, mû ni gêné,

Mais ne faut pas mettre le nez 

Au son dans lequel il patauge,

C’est monsieur Cochon dans son auge.

 

Tout être en un point se concentre.

Son front tout petit, mais son ventre 

Imposant, à faire trembler.

À l’assouvir, à le combler 

Plus d’un domestique s’empresse.

C’est monsieur Cochon qu’on engraisse.

 

Un jour vient. Ce n’est pas un rêve.

Trop dilaté le ballon crève.

Sur l’herbe, le col entrouvert.

Vous le verrez, les pieds en I’air, 

Geignant, hurlant sans qu’on le plaigne…

Et c’est monsieur Cochon qu’on saigne.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire