L’École littéraire de Montréal, Les soirées du château de Ramezay, Montréal, Eusèbe Sénéchal, 1900, 402 pages.
Ce recueil fut publié à la suite des quatre séances publiques tenues par l’École littéraire de Montréal au Château de Ramezay, en 1898-1899, séances qui eurent beaucoup de succès.
Les membres de l’École littéraire étaient déjà actifs depuis 1895. Charles Gill, dans « Un mot au lecteur », nous offre un aperçu de ces rencontres : « Celui qui passerait un vendredi soir, devant le Château de Ramezay, cette ancienne résidence des gouverneurs convertie en Musée des antiquités nationales, trouverait, contre l’habitude, la grille extérieure ouverte, et s’étonnerait, sans doute, de voir filtrer la lumière par la porte entre-bâillée. Si la curiosité le poussait à entrer, après avoir traversé un sombre couloir garni de portraits, de flèches et de tomahawks, il pénètrerait dans une pièce étroite où il apercevrait quatre avocats, un graveur, deux journalistes, un médecin, un libraire, cinq étudiants, un notaire et un peintre réunis autour d’un tapis vert jonché de manuscrits : c’est l’École Littéraire à laquelle le vieux château donne asile ce soir-là. » / « Il ne s'agit pas de s'admirer. Les pièces qui figurent dans ce recueil ont été lues, analysées et critiquées au cours de nos soirées dit vendredi où les absents se font rares. C'est une école sans maître que l'École Littéraire ; nul n'a le droit d'y élever la voix plus haut que son voisin. Et comme il n'y a d'autre honneur à briguer que les applaudissements des camarades… »
Seize membres ont fourni des textes, en plus de ceux du président d’honneur, Louis Fréchette (extrait du drame Veronica et deux contes). Il s’agit de Wilfrid Larose (5 textes en prose, dont le discours d’inauguration et des récits-essais moralisateurs), Charles Gill (16 poèmes et trois récits), Gonzalve Désaulniers (10 poèmes), E.-Z. Massicotte (6 poèmes et 10 textes en prose très brefs, des « croquis »), Jean Charbonneau (4 poèmes et un long essai sur le symbolisme), Germain Beaulieu (9 poèmes et 2 récits descriptifs), Albert Ferland (11 poèmes), Henri Desjardins (7 poèmes et 1 dialogue), Émile Nelligan (17 poèmes, dont « La romance du vin »), G. A. Dumont (1 texte poétique et 1 texte historique), Arthur de Buissières (7 poèmes), Pierre Bédard (1 conte sentimental très bref), Hector Demers (2 scènes dramatiques versifiées, 1 poème et 1 récit), Antonio Pelletier (3 poèmes), H. de Trémaudan (1 poème), Albert Lozeau (7 poèmes).
Ce livre témoigne de la volonté d’une certaine jeunesse de s’éloigner du courant romantico-patriotique qui dominait à l’époque. Même si la poésie est le genre le mieux représenté, on découvre des textes qui s’en éloignent de beaucoup. Je pense au texte « Les cicindélides du Canada » de Germain Beaulieu, à « L’Amérique primitive » de G. A. Dumont et au texte « Le tir au pigeon » de Hector Demers. Des textes scientifiques, historiques, naturalistes.
La décision de publier ce recueil collectif date du début de l’année 1899. Pour le reste, je laisse la parole à Jean Charbonneau qui a raconté comment ont été sélectionnés les textes et les difficultés entourant la publication du recueil :
« Chacun de ses membres devra présenter des travaux de tendances et de formes variées, en prose ou en vers, et qui seront lus aux séances ultérieures. […] Il s’effectue un substantiel labeur, puisqu’il a été décidé de publier un volume collectif dont le titre choisi est d’abord « L’École littéraire, 1898-99 », mais qui deviendra définitivement « Les Soirées du Château de Ramezay ».
Sans interruption jusqu'en juin, un grand nombre de pièces de tous genres sont soumises, critiquées, acceptées ou refusées. La publication prochaine d’un livre est pour nous un véritable stimulant. Tous, dans la mesure de notre talent, nous voulons y figurer avec honneur. Aussi, l’émulation ne manque pas de faire naître un bon esprit de cohésion et maintient la ferme volonté de provoquer un événement littéraire d’une importance exceptionnelle.
[…] Un comité de critiques est chargé de juger en dernier ressort les travaux qui devront faire partie du prochain volume. Il se compose de Wilfrid Larose, de E.-Z. Massicotte, de Jean Charbonneau, de Charles Gill auxquels on adjoint Germain Beaulieu, de nouveau revenu, après une longue absence forcée. En même temps, on décide que seuls les membres de notre groupe auront le privilège de collaborer à ce livre qui devra, annonce le président, paraître aux environs de janvier 1900. Le comité travaille sans relâche. Toutefois, […], comme certains retards se produisent dans l’apport des pièces promises, et afin de hâter la publication du livre, il est proposé que Wilfrid Larose, le président, en assumera les responsabilités financières. Il en aura la propriété exclusive, moyennant l’obligation de sa part d’en distribuer certains exemplaires aux collaborateurs et une centaine aux journaux. Mais en dépit de toute la vigilance apportée à sa mise en page, le livre ne paraîtra qu’au printemps de 1900.
« Les Soirées du Château de Ramesay », recueil de forme anthologique, et considéré dans le recul des ans, présente plutôt un intérêt de curiosité. En réalité, il ne donne que l’impression d’une suite d’essais trahissant pour la plupart l’inexpérience de la jeunesse. Il ne s’applique à défendre ni système ni aucune école en particulier : il est éclectique et dénote des tendances diverses. Nous pourrions peut-être risquer l’opinion qu’il ouvre une ère nouvelle, si l’on fait le procès de cette époque où notre littérature croupit dans un état voisin de l’inertie. (L’école littéraire de Montréal , p. 53-55)
Lire Les soirées du château de Ramezay
Voir aussi L’école littéraire de Montréal