25 octobre 2019

Vers l'ouest

Maurice Constantin-Weyer, Vers l'ouest, Paris, La renaissance du livre, 1921, 253 pages.

Constantin-Weyer (1881-1964) a vécu au Canada, dans la région de Saint-Claude (Manitoba), de 1903 à 1914.  Comme plusieurs critiques l’ont précisé, ceci ne fait pas de lui un spécialiste de l’histoire de l’Ouest canadien pour autant. La véracité historique de ses romans a  souvent été contestée.

L’action se passe au Manitoba au milieu du XIXe siècle. Le roman s’ouvre sur une rencontre entre les Sioux et les Métis, sous la gouverne de Louis Riel (il s’agit du père et non de son célèbre fils), de Mgr Provencher et du chef sioux, Le Loup. Ils veulent mettre fin au conflit qui sépare les deux communautés qui se battent pour des territoires de chasse, de plus en plus décimés depuis que les bisons se font plus rares. Tout va pour le mieux jusqu’au moment où un Métis hargneux tue un Sioux. Et comme Louis Riel refuse de livrer le Métis, la guerre reprend.

Riel doit avertir certains chasseurs plus au Sud du danger qui les guette et il confie la mission à son neveu Jérémie Dubois, lui promettant une taure s’il réussit. Jérémie trouve en quelques jours les chasseurs. Parmi eux, se démarquent Lespérance et sa fille Flora, dont Jérémie tombe amoureux. Les chasseurs rentrent à Rivière-Rouge sans coup férir. Et l’armée de Riel écrase celle des Sioux. « C'était un grand succès que cette extension des territoires de chasse des métis. C'était la porte ouverte à toutes les ambitions vers l'Ouest, jusqu'au pied des montagnes Rocheuses, où il se proposait de négocier plus tard une entente avec les Pieds-Noirs. »

Jérémie veut épouser Flora, mais il n’a pas les moyens financiers. À l’automne, il s’engage avec son ami McDuff auprès de Smith, un arpenteur qui se rend à 700 milles plus au nord pour planifier de nouveaux établissements possibles. Quand Jérémie revient au printemps, il découvre que Flora est enceinte. En fait, elle a été droguée et violée par Leslie. Compte tenu des circonstances, Jérémie maintient sa décision de l’épouser. Les deux s’entendent pour dire que Jérémie est le père de l’enfant, ce que Leslie ne peut contredire.

Un peu plus tard, on apprend qu’un chasseur a été massacré par un groupe de Sioux; Riel monte encore une fois une armée, se lance à leur poursuite et les massacre tous, moins un qui est chargé de retrouver le reste des siens et de leur proposer un nouveau traité de paix. Le roman se termine par le mariage de Jérémie et par la naissance de l’enfant.

Que Constantin-Weyer ait du talent pour décrire la nature ou une bataille, cela ne fait pas de doute. Cependant, la trame narrative est plus ou moins réussie, les différents épisodes ayant un lien ténu entre eux. Et on ne peut s’empêcher de souligner que le racisme définit les rapports entre les communautés.  Voici quelques faits : 1) il existe une hiérarchie qui va des Blancs aux Autochtones en passant par les Métis (sans oublier les Anglophones de la Compagnie de la Baie d’Hudson qui se croient au-dessus du lot); 2) pour un  Métis, il est préférable de ressembler à un Blanc plutôt qu’à un Autochtone; 3) tout se passe comme si la seule façon d’avoir la paix avec les Sioux, c’était de les tuer; 4) Mgr Provencher finit par bénir l’expédition contre les Autochtones en sachant qu’elle sera meurtrière. On pourrait dire la même chose à propos de la misogynie dans les relations homme-femme.

Extraits

« Puis il rappela à son peuple métis... que pareil au peuple saint, il était, lui aussi, l'élu de Dieu, réservé à une grande tâche : celle de répandre à travers les pays sauvages la parole sainte et la civilisation. En récompense de quoi, le seigneur assurerait à ses serviteurs la souveraineté de cette terre promise et bénirait leurs récoltes et leur descendance. » (p. 19-20)

« Plusieurs des sauvages restés dehors avaient des parentes parmi les femmes des métis. Ils furent invités à droite et à gauche. Le Loup lui-même avait une nièce, une petite Dubois. Le père de la jeune fille l’amena à son oncle. Elle se mit à crier :
-          Je ne veux pas être la nièce d'un sauvage !... Je ne veux pas être la nièce d’un sauvage !
Le Loup rit dédaigneusement et lui tourna le dos. Dubois ayant reçu des observations de Riel, à l'adresse de la petite, le père la ramena à coupa de pied dans les fesses, jusqu'à sa voiture... » (p. 21)

« La mère Lespérance était une forte virago aux allures autoritaires. Elle affectait des airs dédaigneux envers les trois quarts des autres femmes, parce que son père était, disait-elle, « un blanc pur », un vrai « Françâs des Vieux Pays ». Elle tirait de ce père « blanc pur » un immense orgueil de caste. Mais ce qu'elle oubliait d'ajouter, et ce que, d'ailleurs, tout le monde savait, c'est que sa mère était une sauvagesse aussi pure de race, au moins, et même probablement plus qu'avait put l'être feu Brazeau. La mère Lespérance se trouvait donc avoir, tout comme les autres, sa bonne moitié de sang peau-rouge. Et vraiment, à la regarder, on aurait cru davantage. » (p. 56)

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