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14 juin 2019

Les soirs

Albert Dreux (Albert Maillé), Les soirs, Saint-Jérôme, J.-E. Prévost, 1910, 62 pages.

Albert Maillé (1886-1949) a publié deux recueils sous le pseudonyme d’Albert Dreux : Les soirs (1910) et Le mauvais passant (1920). Il a été journaliste au Charivari et à L’action médicale, un périodique qu’il a dirigé pendant 20 ans.

Dans la préface, Germain Beaulieu salue l’arrivée d’un nouveau poète. Pour lui, ce recueil devrait particulièrement plaire à la gent féminine. Le recueil est divisé en quatre parties. 

Les soirs
Entre l’idéal et les rêves brisés, l’image de la femme aimée s’impose : « Oh ! non, il me fallait mieux que des couchants roses / Sur des aubes de pourpre ou des soirs étoiles ; / Il me fallait le seul azur des yeux, voilés / Par des cils noirs et longs, penchés sur mes névroses. » En arrière-plan, se profile la crainte que son idéal puisse buter contre la réalité : « Je sens planer en moi la chanson délirante / Des rêves qui s'en vont, dépouillés sans espoir…  / Mon cœur est une grève où la tristesse chante. »

Les soirs étoilés
L’amour permet aux deux amants de fuir le monde, de demeurer dans celui de l’idéal : « Dans notre enivrement, nous avions le désir / Étrange de n'avoir qu'une seule âme ensemble. / De vivre loin de tous, du monde, et de n'ouïr / Que l'amour, cette voix si faible qu'elle tremble. » Une nature bienveillante reçoit et favorise leur bonheur.

Les soirs moroses
Rien de précis ne peut expliquer le changement de ton. L’idéal a été piétiné, ne reste que la désillusion et l’amertume : « Hélas ! vous n'êtes plus pour mon âme en détresse / Que l'écrin mal fermé de mes jours de jeunesse. // Qu'un écrin râpé, vieux, où gisent dédorés / Les rêves de mes nuits et de mes jours nacrés. // Ô ! mes lettres d'antan, que mon âme était folle / D'avoir cru que jamais l'illusion s'envole. » 

Les soirs de tempête
L’idéal est perdu, tout est faux aux yeux du poète, à commencer par la femme qui « sur son mol coussin minaude ».  Le tout est conclu de façon lugubre, par l’image du poète crucifié par la plèbe : « Ma vie en la prison de la brutalité / S'achemine au gibet noir que l’humanité. / En grimaçant, élève aux rêveurs de folies. // Or, j'ai bien vu ce soir mon âme, lentement, / Monter l'escalier de l'échafaud béant : / L'échafaud du dédain de la plèbe avilie. »


Critiques
Camille Roy lui reproche de ne parler que de sentiments : « Albert  Dreux  est  assurément  un poète.  Il  faut  le  lui  dire  ;  il  importe  qu'il  le  sache  pour  qu'il  travaille soigneusement  les dons heureux de sa nature. Le jour   où  cette  muse  nouvelle  s'exercera  sur   des   pensées  plus  fortes,  sur   des  sentiments   plus   riches   d'expérience,   elle   nous   fera   entendre   des   accents   dont  on  se souviendra. » (Camille Roy, Érables en fleurs, p. 67) Ces « sentiments plus riches d’expérience », ce sont ceux suscités par l’histoire du Canada français, la religion  et le terroir.

Laberge sera plus sensible au Mauvais Passant, plus près de son œuvre par l’esprit critique, mais il a de bons mots pour Les soirs : « On trouve dans cette plaquette une poésie douce comme le bruissement des feuilles lorsque le jour finit, des vers d’un rythme berceur qui sont comme une caresse pour l’âme. Le poète chante les rêves d’amour qui fleurissent dans les cœurs de vingt ans. On est tout de suite charmé par ces strophes simples et tendres d’une si belle facture. » (Albert Laberge. Journalistes, écrivains et artistes, p. 125) 

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