Albert
Maillé (1886-1949) a publié deux recueils sous le pseudonyme d’Albert Dreux : Les soirs (1910) et Le mauvais passant (1920). Il a été journaliste au Charivari et à L’action médicale, un périodique qu’il a dirigé pendant 20 ans.
Dans la préface, Germain Beaulieu salue
l’arrivée d’un nouveau poète. Pour lui, ce recueil devrait particulièrement
plaire à la gent féminine. Le recueil est divisé en quatre parties.
Les
soirs
Entre
l’idéal et les rêves brisés, l’image de la femme aimée s’impose : « Oh ! non, il me fallait mieux que des couchants roses /
Sur des aubes de pourpre ou des soirs étoiles ; / Il me fallait le seul azur
des yeux, voilés / Par des cils noirs et longs, penchés sur mes névroses. »
En arrière-plan, se profile la crainte que son idéal puisse buter contre la
réalité : « Je sens planer en moi la chanson délirante / Des rêves
qui s'en vont, dépouillés sans espoir… /
Mon cœur est une grève où la tristesse chante. »
Les
soirs étoilés
L’amour
permet aux deux amants de fuir le monde, de demeurer dans celui de l’idéal :
« Dans notre enivrement, nous avions le désir / Étrange de n'avoir qu'une
seule âme ensemble. / De vivre loin de tous, du monde, et de n'ouïr / Que
l'amour, cette voix si faible qu'elle tremble. » Une nature bienveillante
reçoit et favorise leur bonheur.
Les
soirs moroses
Rien
de précis ne peut expliquer le changement de ton.
L’idéal a été piétiné, ne reste que la désillusion et l’amertume : « Hélas
! vous n'êtes plus pour mon âme en détresse / Que l'écrin mal fermé de mes
jours de jeunesse. // Qu'un écrin râpé, vieux, où gisent dédorés / Les rêves de
mes nuits et de mes jours nacrés. // Ô ! mes lettres d'antan, que mon âme était
folle / D'avoir cru que jamais l'illusion s'envole. »
Les
soirs de tempête
L’idéal
est perdu, tout est faux aux yeux du poète, à commencer par la femme qui « sur
son mol coussin minaude ». Le tout est conclu de façon lugubre, par
l’image du poète crucifié par la plèbe : « Ma vie en la prison de la
brutalité / S'achemine au gibet noir que l’humanité. / En grimaçant, élève aux
rêveurs de folies. // Or, j'ai bien vu ce soir mon âme, lentement, / Monter
l'escalier de l'échafaud béant : / L'échafaud du dédain de la plèbe avilie. »
Sur Albert Maillé
Voir Le mauvais passant
Critiques
Camille Roy lui reproche de ne parler que de sentiments :
« Albert Dreux est
assurément un poète. Il
faut le lui
dire ; il
importe qu'il le
sache pour qu'il
travaille soigneusement les dons
heureux de sa nature. Le jour où cette
muse nouvelle s'exercera
sur des pensées
plus fortes, sur
des sentiments plus
riches d'expérience, elle
nous fera entendre
des accents dont
on se souviendra. » (Camille
Roy, Érables en fleurs, p. 67) Ces « sentiments plus riches d’expérience », ce sont ceux suscités par l’histoire du Canada français, la religion et le terroir.
Laberge sera plus sensible au Mauvais Passant, plus près de son œuvre par l’esprit critique, mais
il a de bons mots pour Les soirs :
« On trouve dans cette plaquette une poésie douce comme le bruissement des
feuilles lorsque le jour finit, des vers d’un rythme berceur qui sont comme une
caresse pour l’âme. Le poète chante les rêves d’amour qui fleurissent dans les cœurs
de vingt ans. On est tout de suite charmé par ces strophes simples et tendres d’une
si belle facture. » (Albert Laberge. Journalistes,
écrivains et artistes, p. 125)
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