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28 juin 2019

La vie et le sport sur la Côte Nord du Bas Saint-Laurent et du Golfe

Napoléon-Alexandre Comeau,  La vie et le sport sur la Côte Nord du Bas Saint-Laurent et du Golfe, Québec, Garneau, 1945, 372 pages (Traduction de Nazaire LeVasseur : Life and sport on the north shore of the lower St. Lawrence and gulf, 1909)  (Introduction d’E. T. D. Chambers et  préface de l’auteur.)

Le livre a d’abord paru en anglais. Comeau possédait cette langue, puisqu’il avait fait ses études (10 mois) en anglais à Trois-Rivières. Comeau est décédé en 1923 et son traducteur LeVasseur en 1927, ce qui peut expliquer qu’il faille attendre 1945 avant que le livre, par l’entremise du fils de l’auteur, soit publié en français.

Napoléon-Alexandre Comeau a été un homme qu’on a beaucoup admiré. On a écrit deux livres sur lui, et il a donné son nom à la ville de Baie-Comeau.  Parti de rien,  il a appris l’anglais et il pouvait converser avec les Innus dans leur propre langue. Il a appris les rudiments de la médecine et s’est dévoué pour ses comparses longtemps isolés sur leur Côte-Nord. Naturaliste, il a côtoyé les scientifiques et leur  a permis d’augmenter leurs connaissances sur la flore et la faune en Amérique. On lui doit aussi quelques sauvetages héroïques, dont un sur le fleuve devenu légendaire. Presque tout ceci, bien entendu, ne fait pas partie de La vie et le sport sur la Côte Nord du Bas Saint-Laurent et du Golfe, dans lequel il est surtout  question de chasse et de pêche.

Comeau explique en préface pourquoi il a tardé à publier des mémoires qu’on lui réclamait « avec instances » : « Une de mes objections était que l’idée me déplaisait ; me rendre aux instances des amis, me semblait de ma part un acte de vantardise de quelques faits ordinaires que j’avais accomplis, une tentative d’emboucher ma propre trompette ou tonitruer ma gloire ; ce qui m’a toujours répugné. » Pourtant, tout au long du livre, il ne fera que ça. Peu importe ses compagnons de chasse, c’est toujours lui qui pêche le plus de poissons, qui tue le plus de bêtes ou qui accomplit l’exploit le plus surprenant. Passons, ce n’est pas si grave après tout.

La relation que pouvait avoir avec les animaux quelqu’un vivant sur la Côte-Nord, à la fin du XIXe siècle, n’a rien à voir avec celle d’aujourd’hui. On en convient. Comme Comeau le dit, c’était à peu près la seule ressource disponible, le seul moyen de se faire un peu d’argent et d’améliorer son sort.

Là où le bat blesse, c’est que trop souvent le sportif orgueilleux de ses exploits l’emporte sur le pourvoyeur de nourriture.  Jamais il n’éprouve la moindre compassion pour tous ces animaux qu’il tue, jamais il n’explique qu’il essaie de réduire leurs souffrances  au minimum; tout ce qui compte, c’est de les attraper coûte que coûte, quitte à utiliser des moyens cruels (un jour n’ayant pas accès à son fusil, il court chercher une hache pour tuer un loup-marin qui n’arrivait pas à regagner le fleuve). Il tire sur une bête qui fuit pour la blesser et la rattraper plus tard. Bref, il tire sur tout et même sur de minuscules oiseaux. On dirait un challenge sportif qui devient une guerre à finir entre lui et l’animal. Il trouve curieux et même risible que les Autochtones aient autant de respect pour un animal comme l’ours qu’il vénère.

Version originale

Version récente
Il suffit de lire le chapitre sur l’aigle doré pour se faire une idée. Fâché qu’un aigle doré ait fait lever et s’enfuir les bernaches qu’il voulait tuer, il n’a de cesse de le traquer pour l’abattre.  « Je découvris de suite la cause de cette panique. C’était un aigle doré qui rôdait à l’entour des oies afin de gripper quelqu’oiseau blessé ou malade. Il n’est pas dans mes habitudes de jurer, mais je n’en garantis rien pour cette fois-là. / Qu’importe ! Il y avait une vengeance à tirer. Dès que l’aigle se trouva à portée, je le descendis avec mon fusil calibre 8. Je le rechargeai aussitôt et je courus chercher l’oiseau. C’était un magnifique spécimen. Je m’assis dans mon creux, et je me mis à examiner son riche plumage et ses serres puissantes. »  Même chose pour un coyote qui lui a subtilisé une perdrix. « Le sport était devenu trop intéressant pour en rester là, et successivement jusqu’à dix heures et demie je tirai deux autres coyotes et un renard croisé. Le lendemain matin, je partis à la recherche du premier coyote ; je trouvai son cadavre dans l’herbe à peu de distance du camp. La balle l’avait frappé sur le flanc en lui cassant l’os de l’épaule et quelques côtes, et était ressortie par le dos. »

Il est même prêt à exterminer les truites dans la Godbout, parce qu’elles nuisent au saumon, ressource dont profitent surtout de riches sportifs anglais qu’il accompagne dans leur pêche (il est gardien de la rivière) et devant lesquels il est tout admiratif. « L’un des pires ennemis du saumon, c’est à mon avis, la truite. Nul doute que cette affirmation de ma part fera sortir de leurs gonds plus d’un pêcheur de truite à la ligne, qui, tout naturellement prendra la part de son poisson favori. Néanmoins, ceux qui sont propriétaires de rivières à saumon et veulent les maintenir comme telles, doivent regarder la truite comme un ennemi et le plus redoutable type de braconnier qui soit. » Même les inoffensifs martins-pêcheurs, pour lui, mériteraient d’être exterminés. Sans oublier ses amis Innus qu’il traque (il est garde-pêche) lorsqu’ils veulent s’approprier une ressource qui devrait être la leur.  On pourrait continuer et continuer encore.

Bien entendu on va nous rétorquer, avec raison, qu’il est difficile de comprendre la mentalité d’une époque lointaine, que cette conception est très ancienne et partagée par la plupart des gens de son époque… Parfois la comparaison peut nous aider à mesurer davantage certains comportements. Ici, il faut penser à Henry de Puyjalon, autre grand chasseur et pêcheur, sur la Côte-Nord, à la fin du XIXe siècle. Chez Puyjalon, on sent l’amour des animaux, une certaine compassion, la volonté d’abréger les souffrances. Les animaux ne sont pas que des proies, des objets d’études, ou pire des cibles que des sportifs vont ajouter à leur collection de trophées.


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4 commentaires:

  1. Je possède ce livre,celui de 1945,avis aux collectionneurs interressé

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  2. J'ai ce livre, version 1945 et je ne sais où aller pour vendre ce type d'antiquités du patrimoine

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    1. Certains bouquinistes vont vous l’acheter, mais ils ne vous donneront pas plus de 30% du prix qu’ils essaieront d’en tirer. Si vous êtes à Québec (Jean-Claude Veilleux) ou à Montréal (Bonheur d’occasion ou François Coté).

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