Adalbert Trudel, Sous la faucille, Québec, Imprimerie Ernest Tremblay, 1931, 106 pages.
Le
titre laisse penser qu’on va lire un autre recueil du terroir, où la faucille le dispute à la charrue, mais rien de tel. L’inspiration de Trudel oscille entre l’intimisme et le
romantisme. Les amours vouées à leur perte, la nostalgie de l’enfance
disparue, la nature inspiratrice, le rêve, la recherche d’un ailleurs, le temps qui fuit sont des sujets bien présents dans ce recueil.
Là où Trudel nous surprend,
c’est que tous ces motifs sont plus ou moins subordonnés au thème central qu’on
pourrait formuler ainsi : la poésie est-elle nécessaire? Trudel, dont le
recueil précédent, publié deux ans plus tôt, a subi critiques et sarcasmes (c’est lui qui le dit), s’interroge sur la poésie : d’où elle vient, les raisons d’en écrire, ce
qu’elle doit contenir, l’effet qu’elle doit produire, la réception qu’on
devrait lui réserver. La faucille du titre, c’est celle
qu’utilise le poète pour découper ses vers, pour ciseler des poèmes.
Du côté formel, notons quelques
sonnets, quelques ballades et beaucoup de poèmes sans forme définie, mais rien de la modernité de 1930. Trudel ne
publiera plus après ce recueil. Il se fera un nom dans l’architecture.
Extrait
Et maintenant, quel
sort crois-tu qu’on fasse aux vers
Si le siècle
présent est à ce point pervers
Qu’il brise sans
remords, avec désinvolture,
L’ouvrage qu’on a
fait autrefois pour qu’il dure ?
Faire des vers,
vois-tu, c’est un peu ramasser
Poème par poème un
matériel fragile
Qu’on assemble en
croyant qu’il pourra dépasser
La borne où
frappera notre pied moins agile;
C’est, comme un
voyageur qui franchit un vallon,
Lancer à pleine
voix un chant de belle allure
Qui, demain,
frappera de sa vibration
Les autres
voyageurs menés par aventure
Dans les mêmes
endroits. Faire des vers, enfin,
C’est écrire son
nom sur l'écorce d’un arbre
Ou le graver un peu
chaque jour sur le marbre,
En espérant
qu’après l’oeuvre de notre main,
Nulle autre main
n’aura le déprimant courage
De l’effacer avec
la trace de l’ouvrage.
(Réponse - à Paul Marquis)
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