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8 mai 2015

Les Pavés secs

Jacques Godbout, Les Pavés secs, Montréal, Beauchemin, 1958, 90 pages.

« Je publiai des poèmes écrits entre 1955 et 1958 sous le titre de Pavés secs chez Beauchemin où Guy Boulizon était directeur littéraire. Beauchemin publiait à compte d’auteur, mais le secrétaire de la Province, Jean Bruchési, nous remboursait le tout avec magnanimité. Il suffisait d’une demande polie, le chèque venait très vite, même si Maurice Duplessis professait son mépris des “poètes”. » J. GODBOUT, Souvenirs shop : poèmes et proses, 1956-1980, Montréal, Éd. de l’Hexagone, 1984, p. 10.

Jacques Godbout, comme beaucoup d’auteurs des années soixante, a commencé sa carrière par la poésie. Il a écrit trois recueils : Carton-Pâte (1956), Les Pavés Secs (1958), C'est la chaude loi des hommes (1960). Les trois ont été repris dans Souvenirs shops en 1981 dans la collection Rétrospective de l’Hexagone.

Le recueil contient 71 poèmes répartis sur deux parties : « Les pavés secs » et « Le fruit et l’ombre ».

« Les pavés secs »

Rien de très compliqué dans la  poésie de Godbout : vocabulaire et style concret de la prose, pas de métaphores, pas de sous-textes ténébreux. On pense au réalisme poétique de Jacques Prévert. Les poèmes apparaissent souvent comme de petits contes absurdes, voire des comptines si on s’en tient au rythme. « Deux pas / la pluie / nous n'irons pas / à Paris / ou ailleurs / en Amérique par exemple // deux pas / la pluie / qui dit c'est fini / les espoirs de jadis // deux pas de trop / dans la rue / dans la pluie / l'ont envoyé en paradis / où il ne voulait pas aller ». Comme ce poème l’illustre, on est souvent en présence de courtes saynètes au contenu anecdotique et au dénouement absurde. Le tout finit par créer l’impression d’un monde sans consistance, artificiel, mensonger. Les sujets et les thèmes défilent, nombreux, souvent traités de façon ironique : le mensonge, l’indifférence, la bêtise, la guerre, la religion, l’enfance, la politique. On n’y trouve pas de dénonciation virulente mais plutôt un certain parti pris de dérision comme dans ce poème sur la concorde des nations : « Un jeune arbre se / tient dans le soleil et la fatigue / tout simplement / parce que planté / en grande cérémonie / comme lien d'amitié / entre beaucoup de pays / mais depuis cette rencontre / il n'y a pas si longtemps / on a vite oublié / les promesses de couloir / ainsi que d'arroser l'arbre de l'espoir ».

« Le fruit et l’ombre »

Rien de très différent dans la seconde partie, sinon des poèmes plus courts et peut-être une accentuation de la dérision : « Je me rappelle / que la hyène / ricanait / tandis que les missionnaires / évangélisaient / du haut de leurs /  cocotiers ». Ou encore : « Une pipe / queue en l'air / comme un oiseau / tête posée nonchalemment (sic) / faisait risette / à un plafond / incroyablement gêné ». Je pense même qu’on pourrait y lire de l’autodérision: « Vous êtes libres (sic) / brave petit conte / pour adultes / sans fin triste / non plus qu'heureuse / sans mariage ou princesse / et douzaine d'enfants / liberté / maison de pain d’épice / qui fond lentement ».

Si vous aimez Prévert, si vous aimez les petites saillies verbales pleines de finesse, Les Pavés secs sont pour vous.

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