Lisette, Sourires et Grimaces,
Québec, l'Imprimerie de l'Événement,
1923, 123 p. (pseudonyme d’Aline Moffat-Fortier)
Aline Fortier a animé de 1935 à
1963 une émission à CHRC (Québec). Elle a rédigé des billets dans L'Événement pendant de nombreuses
années. Elle a aussi écrit des sketches radiophoniques et une comédie de
boulevard, « Les Cousins riches ». (D’après Laurent Mailhot dans le DOLQ),
D’après mes recherches, elle serait née en 1892.
Ses « Billets »
semblent s’adresser aux femmes, si je me fie à l’introduction : «Lisette»
n'est pas méchante, c'est là son moindre défaut. / Quand je vous parle des
femmes, qu'il soit question de votre voisine, et quand je parle des hommes,
supposez que je connais votre mari... Alors j'aurai toujours raison. / Qu'y
a-t-il de plus léger qu'une plume?... La poussière... De plus léger que la
poussière... ? Une femme! / Donc, la femme, plume en main, est trop légère pour
être maligne...! »
Il est toujours hasardeux de
dénicher le fil conducteur d’un ensemble de textes produits au fil des jours et
selon l’inspiration du moment. Si je me plie à l’exercice, je dirais que ce
sont les relations humaines qui sont au cœur des préoccupations de Lisette. La
plupart des textes tournent autour des relations mari-épouse, mère-enfant et
femme-femme. L’autre veine importante, ce sont les portraits (le plus souvent
de femmes) : y défilent les coquettes, les bavards, les curieux, les
commères, les snobs, les moqueurs, les capricieuses, les mélancoliques, les
fumeuses…
Lisette est une femme conservatrice, gardienne
des valeurs de son époque. Il ne faut pas s’attendre à un propos décapant. Trop
lisses, pleins de gros bons sens, moralisateurs et sentencieux, plusieurs de
ces billets nous semblent un peu inutiles. Peut-être que ses propos sur la
femme, sur le féminisme, sont tout compte fait ce qui peut encore intéresser le
lecteur contemporain. Lisette veut bien que la femme se fasse respecter, mais à
l’intérieur du cadre traditionnel, c’est-à-dire en tant qu’épouse et mère.
Curieux quand même pour une femme qui avait une vie professionnelle.
Extrait
POUR RENDRE UN MARI HEUREUX
Est-ce. bien difficile pour une femme de rendre son mari
heureux? Car, sûrement, il doit y avoir des maris heureux, bien que tous aient
l'habitude de se plaindre de leurs femmes, tout en les adorant.
La vie conjugale étant, pour certaines petites femmes, un
heureux hasard, permettra à ces dernières de s'écrier: «Oh ! mais c'est bien
facile pour une femme de rendre son mari heureux !»
Mais, les pauvres infortunées, pour qui la vie à deux
ressemble à un enfer, prétendront : «C'est tout à fait impossible, la vie avec
un homme...»
Plus sublimes encore, les vieilles filles s'écrieront: «Ah !
si les femmes avaient le tour de prendre leurs maris, tout irait mieux dans
l'intérieur...» C'est sans doute leur grande expérience qui les fait jaser !
Nous savons toutes que l'homme, pour être heureux en ménage,
doit sonner la grosse cloche; qu'il lui faut une femme ayant une grande
soumission à la volonté de son cher maître, une grande renonciation... à
elle-même et beaucoup de bonne humeur.
Voir en double ses qualités — pas à elle mais à lui — afin de
toujours avoir, sur les lèvres, la louange, accompagnée du plus beau sourire.
Renseignée dans l'art culinaire, avant tout autre renseignement. Toujours
servir la mie et garder la croûte. Parler peu et l'écouter beaucoup.
Voilà une recette qui ne demande pas de glaçage et qui
devrait être bonne à suivre... J'oubliais: le tout chauffé dans un four modéré
et les mesures laissées à la discrétion de chacune des intéressées. (p.
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