Les oiseaux ont toujours fasciné
les hommes, dont les poètes bien entendu. Quand nous étions jeunes, du moins à la campagne, on voyait beaucoup d’oiseaux.
Même s’ils étaient très présents dans notre
environnement, bien peu de gens pouvaient les identifier. Les oiseaux évoluaient pour ainsi dire dans un monde qui nous était étranger. Qu’on le veuille ou
non, ce qui n’a pas été nommé ne peut guère s’ancrer dans l’esprit. Pour nous, il
y avait les moineaux, les hirondelles, les corneilles, les oiseaux noirs et les
canards.
Au milieu des années 1970,
quelques personnes (dont je suis) ont commencé à s’intéresser plus à fond aux
oiseaux. Pourquoi cet intérêt soudain? Tout simplement parce que des
guides venaient d’apparaître chez les libraires : le gros Godfrey, le
Robbin et le Peterson. Et voilà qu’on découvrait que les hirondelles n’étaient
pas toutes pareilles (il y en avait trois dans notre cour : la bicolore, l’hirondelle des granges et
l’hirondelle à front blanc, plus belles les unes que les autres), que les
oiseaux noirs n’étaient pas tous des étourneaux, que les pinsons n’étaient pas
des moineaux, que les serins n’étaient pas des serins, bref que le monde ailé
était beaucoup plus complexe que ce que nous avions pensé.
Beaucoup de guides vont paraître
plus tard, des clubs ornithologiques vont naître et, bien entendu, quelques commerçants
flairant le dollar vont bientôt offrir tout le kit du parfait petit ornithologue :
guide, lunettes d’approche, télescope, graines, mangeoire, nichoir…
Heureusement cet effet de mode va aussi laisser dans son sillage les émissions
radiophoniques et les beaux textes de Pierre Morency.
Cette introduction a pour but de présenter l’un des premiers guides sur les oiseaux du Québec, celui de Charles E.
Dionne. Bien entendu, il ne faudrait pas
comparer ce «vieux» guide à ceux d’aujourd’hui. On ne trouve pas beaucoup de dessins et aucune carte ne
définit les zones d’habitation et de nidification des oiseaux. On ne pointe pas
non plus quelques aspects précis qui nous permettent de les identifier rapidement et les
descriptions sont plutôt sommaires. L’auteur s’est basé sur les spécimens de
l’Université Laval pour les établir. Est-ce qu’une personne qui se découvrait
un intérêt soudain pour les oiseaux y trouvait son compte? Ça reste à voir, car ce n'est pas vraiment un guide de terrain.
Quel intérêt, direz-vous, alors de
plonger dans un guide du dix-neuvième siècle? La réponse est simple. Le monde
des oiseaux est en perpétuelle évolution. Déjà, si je me fie à ma maigre expérience,
je constate que certains oiseaux très faciles à observer en 1980 sont presque
disparus (par exemple, le Gros bec errant) alors que d’autres semblent gagner
du terrain (la tourterelle). Alors si on remonte à plus d’un siècle, on est parfois
étonné de certaines observations. On connait l’histoire de la tourte (que
Dionne appelle le pigeon voyageur), disparue au début du siècle. Déjà
Dionne notait sa rareté : « Ce pigeon, connu sous le nom de tourte, est beaucoup moins commun
aujourd’hui qu’il ne l’était au commencement de ce siècle; alors les paysans le
tuaient par centaine. Aujourd’hui, il faut
que les éclats du tonnerre les fassent déserter nos montagnes, pour que
nous en voyions quelques petites bandes à la lisière des bois. » Rappelons que la
dernière tourte est morte en captivité à Cincinnati le 19 septembre 1914
(Godfrey).
Ce qu’on découvre aussi en
feuilletant le guide de Dionne, ce sont les variations dans les appellations,
probablement dues à des erreurs de classement. Par exemple, saviez-vous qu’il y
avait cinq variétés d’étourneaux… avant que l’étourneau foule notre
continent? Le Goglu, le vacher, le carouge à épaulettes, le carouge à tête
jaune, ainsi que la sturnelle des prés faisaient partie de la famille des
étourneaux. Rien sur le « vrai » étourneau, et c’est normal puisque
le sansonnet a été introduit à New York en 1890, donc 7 ans après la
publication de ce guide.
J’ai souvent reproché aux poètes
du XIXe siècle et du début du XXe leurs européens « rossignol »,
« bouvreuil » et « ortolan ». Sachez que le rossignol n’est
rien d’autre que le pinson chanteur, que le bouvreuil est le gros-bec des pins
et que l’ortolan est une alouette. En fait, les écrivains ne faisaient que
reprendre ce qu’ils entendaient autour d’eux.
Lire le livre sur la BANQ
Voir aussi Ornithologie du Canada de James McPherson Lemoine (1860)
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