Monique. Brins d'herbe,
Montréal, Le Devoir, 1920, 137 pages. (Monique est le pseudonyme d’Alice
Pépin Benoit)
Léon Lorrain propose en préface
cette définition du billet. « Commentaire du fait divers, réflexions sur
tout et sur rien, à propos de n'importe qui ou de n'importe quoi, bons mots
prêtés ou empruntés, un souffle, une bulle : tel est le billet du soir. C'est
un hors d'œuvre; il tire l'œil dès qu'on déplie le journal. »
Dans Brins d’herbe, Alice Pépin propose une cinquantaine de billets qui
sont d’abord parus dans Le Devoir. Elle
les a rassemblés sous quatre rubriques : Aquarelles, Échos, Croquis et
Chansons tristes.
Les couchers de soleil, les soirs
d’été, la description d’un cimetière, un feu de forêt, les arbres, les
papillons, bref la nature est le sujet de ces « Aquarelles ». Voici à quoi ressemble un « matin de
septembre » : « Septembre se lève, frileux, telle une baigneuse
frissonnante sur la grève, dans le matin bleu. / Les montagnes ont des lacs de
brume que le soleil pénètre, déchire, transforme en écharpes folles, accrochées
sur les cimes, gazes vaporeuses qui flottent, s'anéantissent dans le
rayonnement du jour qui paraît. / Les arbres changent d'aspect et rappellent la
mélancolique histoire de la vie. »
Les « Échos » baignent dans la tristesse. Petites déceptions,
chagrins, pertes, désillusions sont en gros les thèmes de cette partie. Et
voici quelques sujets : un enfant dont on ne reconnait pas la générosité,
un enfant rejeté, la mort et le deuil, la vibration du téléphone qui rappelle
les dangers de l’épidémie (la grippe espagnole, je suppose), la mort d’un
chien, le départ d’une amie chère… « Nos joies nous viennent des autres,
nos chagrins aussi; sans les autres, nous ne connaîtrions point les luttes et
les querelles, mais nous serions sans la tendresse et sans l'amitié. Il y a les
autres, qu'on envie et les autres qu'on plaint, selon qu'on les juge mieux ou
moins bien que nous. / Nous avons des enthousiasmes, des rêves et nous comptons
déjà nos succès; nous oublions les autres, les éteignoirs, ceux qui n'admettent
les désirs et les ambitions que pour eux-mêmes et qui sentent toujours
l'insatiable besoin de tout éteindre, de tout renverser. »
Les « Croquis », ce sont de petites scènes croquées sur le vif. L’inspiration
va en tout sens, comme il est permis au billettiste. Elle décrit aussi bien les
jeunes communiantes qu’une vache électrocutée pendant un orage électrique. La
nature et la religion teintent la plupart des scènes. « Chaque dimanche,
dans le même banc, à la même heure, s'agenouille la dame au petit chapelet. Elle
est immobile et calme comme les statues appuyées aux murailles, elle respire et
palpite imperceptiblement comme la lueur incertaine des lampes au sanctuaire;
ses mains qui se joignent ont la pâleur des cierges et ses cils abaissés
derrière la voilette à carreaux font songer aux petites saintes recueillies des
verrières. »
Les « Chansons
tristes », comme les « Échos »,
donnent dans la tristesse, mais une tristesse qui est davantage de l’ordre du
pathétique. Ainsi ce fils qui annonce à sa mère son retour de la guerre mais qui
meurt avant d’arriver, ou cette toute jeune fille qui découvre pendant une
séance de photos qu’elle n’est pas jolie ou cette amoureuse dont l’ami est
parti sans dire un mot, ou encore cette femme qui mène une vie pitoyable
près d’un mari qui ne fait rien : « Parfois, je m'arrêtais à lui dire
quelques mots et je voyais des gros chagrins mal enterrés remonter au bord de
ses yeux, aux plis de ses lèvres. Et je sentais que pour elle la vie était
finie, impitoyablement finie, et que si elle vivait encore, c'est que vivre
vaut un peu mieux que mourir. »
Que dire de ces billets? Rien
d’original, rien qu’on ne sache, un peu triste tout cela, mais quand même… une
certaine grâce.
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d’herbe
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