LIVRES À VENDRE

22 mars 2014

Brins d'herbe

Monique. Brins d'herbe, Montréal, Le Devoir, 1920, 137 pages. (Monique est le pseudonyme d’Alice Pépin Benoit)

Léon Lorrain propose en préface cette définition du billet. « Commentaire du fait divers, réflexions sur tout et sur rien, à propos de n'importe qui ou de n'importe quoi, bons mots prêtés ou empruntés, un souffle, une bulle : tel est le billet du soir. C'est un hors d'œuvre; il tire l'œil dès qu'on déplie le journal. »

Dans Brins d’herbe, Alice Pépin propose une cinquantaine de billets qui sont d’abord parus dans Le Devoir. Elle les a rassemblés sous quatre rubriques : Aquarelles, Échos, Croquis et Chansons tristes.

Les couchers de soleil, les soirs d’été, la description d’un cimetière, un feu de forêt, les arbres, les papillons, bref la nature est le sujet de ces « Aquarelles ». Voici à quoi ressemble un « matin de septembre » : « Septembre se lève, frileux, telle une baigneuse frissonnante sur la grève, dans le matin bleu. / Les montagnes ont des lacs de brume que le soleil pénètre, déchire, transforme en écharpes folles, accrochées sur les cimes, gazes vaporeuses qui flottent, s'anéantissent dans le rayonnement du jour qui paraît. / Les arbres changent d'aspect et rappellent la mélancolique histoire de la vie. »

Les « Échos » baignent dans la tristesse. Petites déceptions, chagrins, pertes, désillusions sont en gros les thèmes de cette partie. Et voici quelques sujets : un enfant dont on ne reconnait pas la générosité, un enfant rejeté, la mort et le deuil, la vibration du téléphone qui rappelle les dangers de l’épidémie (la grippe espagnole, je suppose), la mort d’un chien, le départ d’une amie chère… « Nos joies nous viennent des autres, nos chagrins aussi; sans les autres, nous ne connaîtrions point les luttes et les querelles, mais nous serions sans la tendresse et sans l'amitié. Il y a les autres, qu'on envie et les autres qu'on plaint, selon qu'on les juge mieux ou moins bien que nous. / Nous avons des enthousiasmes, des rêves et nous comptons déjà nos succès; nous oublions les autres, les éteignoirs, ceux qui n'admettent les désirs et les ambitions que pour eux-mêmes et qui sentent toujours l'insatiable besoin de tout éteindre, de tout renverser. »

Les « Croquis », ce sont de petites scènes croquées sur le vif. L’inspiration va en tout sens, comme il est permis au billettiste. Elle décrit aussi bien les jeunes communiantes qu’une vache électrocutée pendant un orage électrique. La nature et la religion teintent la plupart des scènes. « Chaque dimanche, dans le même banc, à la même heure, s'agenouille la dame au petit chapelet. Elle est immobile et calme comme les statues appuyées aux murailles, elle respire et palpite imperceptiblement comme la lueur incertaine des lampes au sanctuaire; ses mains qui se joignent ont la pâleur des cierges et ses cils abaissés derrière la voilette à carreaux font songer aux petites saintes recueillies des verrières. »

Les « Chansons tristes », comme les « Échos », donnent dans la tristesse, mais une tristesse qui est davantage de l’ordre du pathétique. Ainsi ce fils qui annonce à sa mère son retour de la guerre mais qui meurt avant d’arriver, ou cette toute jeune fille qui découvre pendant une séance de photos qu’elle n’est pas jolie ou cette amoureuse dont l’ami est parti sans dire un mot, ou encore cette femme qui mène une vie pitoyable près d’un mari qui ne fait rien : « Parfois, je m'arrêtais à lui dire quelques mots et je voyais des gros chagrins mal enterrés remonter au bord de ses yeux, aux plis de ses lèvres. Et je sentais que pour elle la vie était finie, impitoyablement finie, et que si elle vivait encore, c'est que vivre vaut un peu mieux que mourir. »

Que dire de ces billets? Rien d’original, rien qu’on ne sache, un peu triste tout cela, mais quand même… une certaine grâce.


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