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29 septembre 2011

La Mort d’un nègre suivi de La Fin des haricots

Jean-Louis Gagnon, La mort d’un nègre suivi de La Fin des haricots, Montréal, Les Romanciers du jour, 1961, 121 pages.

Le recueil de Gagnon contient deux longues nouvelles. On est loin de tout ce que la littérature québécoise nous avait déjà servi jusqu’ici. Avec Gagnon, on entre dans la modernité littéraire (celle de 1960) et on franchit toutes les frontières.

La Mort d’un nègre
États-Unis. Un haut-dirigeant du parti démocrate, Don Toscany, erre dans la ville de Chicago. Dans un autobus, il est témoin d’un fait qui le trouble : cinq marines ivres s’en prennent à un Noir. Sans raison apparente, Toscany suit les marines qui finissent leur soirée dans un bar de danseuses. Quatre d’entre eux en ressortent accompagnés et vont se perdre dans la ville. Le cinquième, ivre mort, va s’asseoir sur un banc dans un parc. Sans raison, Toscany le suit et l’étrangle avec le lacet de sa chaussure. Il apprend, plus tard, que le noir est inculpé de meurtre. Ce marine était le beau-frère d’un haut-dirigeant du parti démocrate, ce que Toscany ignorait. Gagnon présente une image assez convenue de l’Amérique : la recherche du pouvoir, le vide idéologique, le matérialisme, la recherche d’identité dans le melting pot, le racisme, le puritanisme.

« Il y a des pauvres en Amérique, aimait-il à dire, mais on n'y trouve pas cette mystique de la pauvreté comme en Europe. » La pauvreté devenait pour lui une sorte de crime contre la société. On se devait de faire fortune. On se le devait à soi; on le devait aux siens, à son pays. La fortune était la garantie morale de l'ordre et logiquement cet ordre devenait la condition même de la civilisation. La poursuite de cette idée remplissait tous les loisirs que lui laissait la société de fiducie dont il était le directeur adjoint. À la longue, l'idée avait épousé la forme d'une théorie générale; puis elle s'était cristallisée comme un acte de foi…

La fin des haricots
Le narrateur, un Québécois, à la demande d’un Fondé de pouvoir (anonyme) qu’il a rencontré à Rio de Janeiro, a été chargé d’incendier la ville de New York. Pour quelle raisons? Il n’arrive pas à les cerner véritablement. Il a obéi à un ordre. Il est arrêté par l’inspecteur Dick Tracy avant de mettre à exécution son plan et interrogé par le maire de New York en personne. Mais cette intrigue a peu d’importance. On est en présence de ce qu’on a appelé le nouveau roman. Le récit va de digression en digression à la recherche d’un sens toujours évanescent. Il faut admettre que l’écriture est souvent somptueuse.

C'est  pour  oublier  que  l'on boit, dit-on. Au départ, c'est vrai. Mais il y a plus. L'alcool en créant un nouvel éclairage, supprime les masques et le mensonge de la vie. L'élixir de mon oncle avait fait disparaître tout ce qui n'a pas d'importance: l'ennui d'avoir à gagner sa croûte, les chagrins d'amour et la peur des autres...  Seules demeuraient les vérités qui  sont dures comme des pierres. J'étais encore chargé de mission. Cela m'est revenu subitement.  Le bicéphale ne  comptait pas devant l'incendie de New-York. Je l'ai compris lorsque de la   fenêtre   de   la   salle   commune,   j'ai   aperçu   Québec, lorsque  j'ai  vu  les  maisons  mouillées,   les  rues   étroites luisantes de pluie et les pauvres arbres sans feuilles qui ressemblaient  à  des squelettes  empalés.  J'aime  Québec. C'est ma ville. C'est là que mes vieux ont vécu lentement entre leurs joies rapides et leurs douleurs toujours présentes; c'est là qu'ils ont vu les hivers interminables coupés de noëls rapides; c'est là qu'ils ont pleuré durant la nuit quand les autres ne  les voyaient pas. Tous  les  matins, ils sont venus au travail et, tous les soirs, ils ont fait des enfants. Parce qu'ils ne vivaient pas, ils croyaient dans la Vie. Car je sais maintenant que seul le rêve est confortable et que le désespoir ne peut appartenir qu'à ceux-là mêmes qui  sont allés  jusqu'à  l'épuisement  de   leurs  songes — à ceux qui ont nettoyé, vidé le rêve en voulant le vivre... Québec   est  une  toute  petite  ville   qui   ressemble   à  un souvenir de famille qu'on aurait emballé dans la naphtaline. C'est  une ville de zombies.  Québec  ça  ressemble  à mon  oncle :   c'est  plein d'amours inachevées...  On  a  le respect des parents et les morts drapés dans leurs habits du dimanche sont les barons immuables qui règnent sur la Mémoire...

2 commentaires:

  1. Je viens souvent consulter votre blog. Je me déniaise en lisant vos compte-rendus d'oeuvres québécoises anciennes. C'est essentiel de laisser une trace de cette littérature oubliée, pour la suite de monde (comme disait Perrault)!

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  2. Merci. Je dois avouer que ces temps-ci, j'en ai bien besoin. Si je ne fais pas erreur, le livre de Gagnon est mon 400e. Je sens une certaine lassitude.D'abord, j'ai blogué toutes les oeuvres intéressantes (sauf Nelligan, Évanturel et Napoléon Bourassa...)et, surtout, j'ai le goût de lire autre chose. Je vais probablement continuer à un rythme plus lent.

    Je vous retourne le compliment. J'aime votre blogue, j'aime la petite histoire. Dans le fond, on fait tous les deux la même chose. La plupart des livres que je présente n'ont pas de valeur littéraire. Ils font partie de la petite histoire.

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