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13 mars 2011

Le Pirate du Saint-Laurent

Henri-Émile Chevalier, Le Pirate du Saint-Laurent, Montréal, John Lovell, 1859, 173 p. (déjà paru sous le titre La Jolie Fille du faubourg Québec, dans Le Moniteur canadien, 2 février- 10 août 1854)

Prologue
Le bateau de Charles Bourgeot, après avoir subi une violente tempête, est attaqué par un féroce corsaire, surnommé Le Corbeau. Les pirates s’emparent de la cargaison et tuent tout le monde, sauf Charles laissé pour mort sur le pont. Il est recueilli par un bateau qui se dirige vers Halifax. Quelque temps plus tard, il revient à Québec, épouse une Canadienne qui lui donne un enfant, Angèle. Sa femme meurt et lui, peu de temps après.

1re partie
L’action a lieu dans le faubourg Québec à Montréal. Une vieille femme hideuse, surnommée la Camarde, vit dans une « cahute en bois », près de la rue Ste-Catherine. On ignore tout d’elle. Les gens, qui la considèrent comme une sorcière, pensent qu’elle a fait un pacte avec le diable, ce qui lui assure sa subsistance. Un soir, un certain Larençon se présente chez elle, y retrouve un complice du nom de Mike : les deux sont venus chercher un enfant. Avant de quitter, ils tuent la vieille et mettent le feu à sa cahute.

2e partie
On retrouve Mike dans une prison. Avec un complice, Alphonse, il essaie de s’en évader. Un garde les blesse et seul Alphonse prend la fuite. Il se cache dans la chambre d’une jeune fille, Angèle Morlaix. Celle-ci le trouve à moitié mort au retour d’une veillée. Elle apprend qu’il se nomme Alphonse Maigret et est un prisonnier politique. Très émue, elle le cache.

3e partie
Angèle Morlaix est une orpheline qui a été élevée par un charretier du nom de Pierre Morlaix. Elle va donc trouver son père adoptif pour qu’il prenne soin du fuyard. Angèle, qui est amoureuse d’Alphonse, a un prétendant qui la harcèle : il a vu ce qui se tramait sans trop comprendre.

4e partie
Le prétendant d’Angèle est jaloux. Pour y voir plus clair, il va consulter une vieille autochtone à Caughnawaga qui lui dit que sa fiancée le trompe. Un soir, en compagnie de l’Amérindienne, il la surveille et la surprend à la fenêtre. Il devine qu’elle cache le Alphonse Maigret que la police recherche.

5e partie
Ce qu’il ignore, c’est qu’Angèle l’a aperçu. Elle organise immédiatement la fuite d’Alphonse vers Côte-des-Neiges où réside un protecteur du nom de M. Jobinet. Sur la route, ils rencontrent des brigands dont Mike qui a finalement réussi à s’échapper. M. Jobinet doit faire passer Alphonse aux États-Unis.

6e partie
On se retrouve dans un bar. Tous les épisodes du début vont s’éclairer dans cette partie. Mike est avec deux compagnons de beuverie. Il leur raconte qu’il a été marin sur le navire corsaire Le Corbeau. Larençon en était le capitaine. Or le vrai nom de Larençon était Bourgeot. Le Charles du prologue était son frère, ce qu’il ignorait. Après bien des péripéties, Bourgeot s’est retrouvé sans le sous. Un jour, il apprend que son frère Charles, qui est décédé, a hérité de la fortune de leur père. Il usurpe l'identité de son frère, fait enlever sa fille Angèle, la dépose devant une porte (les Morlaix), et vient s’établir à Montréal sans le dire à Mike avec qui il devait partager ses richesses. Treize ans ont passé. Mike a découvert sa supercherie et l’a assassiné.

7e partie
Angèle reçoit une lettre d’Alphonse. Il est à New York. Il lui déclare son amour de façon à peine voilée. Angèle a de la difficulté à lui avouer le sien, puisqu’elle est « bâtarde » (c’est ce qu’elle croit), ce qui la disqualifie selon elle. À Montréal a lieu le procès de Mike. Il raconte tout, entre autres l’enlèvement d’Angèle. L’identité d’Angèle est ainsi dévoilée et son héritage rendu (on le suppose).

Épilogue
Alphonse et Angèle vivent à new York. Il est devenu « un des plus riches constructeurs de navires aux États-Unis ». Elle a été « longtemps la plus jolie femme de New York ».

Le roman, à l’origine un feuilleton, est très segmenté. L’intrigue est tortueuse au début, sans doute pour bien hameçonner le lecteur. On trouve toutes les caractéristiques du roman populaire : personnages caricaturaux, épisodes courts, revirements de situation. À côté de ces passages où l’action est très vive, on trouve des chapitres où tout s’arrête. L’auteur disserte. On sent qu’il était très intéressé par le progrès et la révolution industrielle. Plus encore, il semble bien au fait des esthétiques littéraires de son temps : le réalisme et le naturalisme. Il disserte sur l’influence de l’hérédité et du milieu, sur la place de la science en littérature. Il évoque certaines théories scientifiques pour expliquer certains comportements de ses personnages : « On a établi une différence entre le cœur et le cerveau (traduisez esprit). Au premier, disent certains physiologistes, appartiennent les sensations naturelles, au second, les sentiments étudiés. - Tandis que Bichat, avec son effroyable science, définissait en trois mots, le siège accepté de nos émotions, et disait : le cœur? Un muscle creux! Byron méditait l'impressionnabilité unique et suprême du cerveau (brains). Si le Français se posait en négateur des idées reçues, si l'Anglais essayait de changer le trône de nos facultés, avaient-ils plus tort ou raison que le vieil Homère, s'écriant par la bouche de l'un de ses héros : Mon diaphragma vous aime? — Les progrès de la physique, mécanique, botanique, astronomie, chimie, pathologie et même de l'anatomie, ont été considérables depuis un siècle ; mais cependant, on n'est point encore parvenu à déterminer l'organe réel des conceptions mentales. Aussi acceptons-nous et accepterons-nous, jusqu'à preuve du contraire, l'antique tradition : Le cœur nous semblera jouer en nous un rôle passif, et le cerveau un rôle actif. Celui-ci produirai celui-là recevra. En d'autres termes, nous pensons que le cœur est soumis au contrôle du cerveau. Les organes extérieurs Transmettent la sensation au cerveau qui la juge, l'apprécie, et renvoie au cœur le résultat de son examen ; et tandis que ce dernier subit la secousse, l'autre eu diminue ou affaiblit l'effet pour lui-même. De là naît cette sorte d'antagonisme dans notre nature. Le cœur est ou profondément ulcéré ou entièrement satisfait, alors que le cerveau nage dans un océan d'incertitudes. » (p.94)

Les choses deviennent plus pénibles quand il disserte sur des problèmes humains : « Qu’est-ce que l’amour? Qui pourra me dire ce que c'est que l'amour? Depuis l'origine des choses, on s'est efforcé de définir ce sentiment qui embrase deux êtres de sexes différents, d'une flamme souvent inextinguible : L'amour, s'écrient les philosophes cosmogoniques, est le principe de tout ; l'amour, affirment les réformateurs, sera la base des sociétés futures ; l'amour, chante le poète, c'est le bleu de l'éther; l'amour prononce l'artiste, c'est l'Idéal du beau; l'amour, écrit le psycologiste, c'est de l'égoïsme à deux. Voilà bien des solutions! Laquelle est la vraie, laquelle est la meilleure ? »

Il a l’air d’en connaître beaucoup sur les opérations maritimes et les Indiens de Caughnawaga, à moins qu’ils se soient tout simplement bien documentés.

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