LIVRES À VENDRE

27 mars 2011

Feuilles volantes

Louis Fréchette, Feuilles volantes, Montréal, Granger frères, 1891, 221 pages. (Probablement deuxième tirage, puisque l’édition originale date de 1890)

Un peu comme dans Pêle-mêle, ces « feuilles volantes » vont dans tous les sens. Le recueil pour l’essentiel est constitué de poèmes de circonstances. Il est étonnant de constater comment Fréchette aimait rendre hommage! Ceci étant dit, souvent il déborde de son sujet et l’hommage devient l’occasion de présenter ses idées politiques, patriotiques ou religieuses. Cette œuvre a été reprise et largement modifiée dans l’édition définitive publiée en 1908.

Plusieurs poèmes font l’éloge de personnages que Fréchette admire. Comme texte d'ouverture, il reprend son long poème dédié à « J. B. de La Salle » paru deux ans plus tôt. Il rend hommage au fondateur des Frères des écoles chrétiennes, une communauté religieuse vouée à l’enseignement dans les milieux pauvres depuis la fin du XVIIe siècle. « Il prit un livre et dit aux pauvres : - Accourez! / Accourez, les petits! venez apprendre à lire : / Les trésors du bon Dieu n'ont point de préférés. » Dans « Au bord de la Creuse », il raconte une journée passée avec le poète Paul Blanchepain qui lui fait découvrir son coin de pays. Dans ce poème, Fréchette  exprime son amour pour la France. Il consacre un poème à Mme Albani « à l’occasion de son concert de charité à Québec le 13 mai 1890 » et en profite pour célébrer la ville de Québec, berceau de la patrie : « N'est-ce pas, Albani - lorsque tu provoquais / Ces applaudissements qui font tressaillir l'âme - / Que tu t'es dit : - Ce bruit, ces bravos, ces bouquets, / C'est la Patrie heureuse et fière qui m'acclame? »

 Il rimaille aussi pour des gens inconnus, comme Mgr le chanoine Boucher à « l’occasion du soixantième anniversaire de son ordination » ou comme Madame F.X. Lemieux « à l’occasion de la naissance de sa fille Juliette, quatorzième enfant de la famille » ou Mlle Hectorine Duhamel « à la veille de son mariage » : « Celui que votre cœur aime entre tous les autres, / Celui qui vous enlève au doux toit paternel, / En se liant à vous par un mot solennel, / Va - loin de son pays - devenir un des nôtres. » Ovide Perreault, lorsqu’il reçoit sa « décoration comme chevalier de la Légion d’honneur », a aussi droit à un poème.

Dans d’autres poèmes, il rend hommage à des pays ou à des groupes sociaux. Il est choqué du fait que la « populace de Paris » ait hué Alphonse XII et fait le panégyrique de l’Espagne : « Belle Espagne! Souvent mon rêve tend les bras / Vers tes escurials et vers tes alhambras, / Où, la nuit, vont errer sous les verts sycomores / Tes monarques chrétiens avec tes vieux rois mores. » Il propose aux visiteurs américains, venus assister au Carnaval de 1882, d’oublier les anciens conflits et de célébrer avec nous : « Soyez les bienvenus! prenez part à nos fêtes; / Nous serrons cordialement vos mains, / Grand peuple qui marchez à toutes les conquêtes / Par tous les plus nobles chemins! » La Louisiane et les « Canadiens des États-Unis » ont aussi droit aux vers du poète : « De vos traditions religieux gardiens, / Jaloux d'être à la fois français, et canadiens, / Soyez la sentinelle / D'une race sur qui Dieu se plaît à veiller ».

Enfin, on découvre cinq poèmes qui sont liés aux fêtes de Noël et du jour de l’An, la plupart déjà présentés sur Laurentiana : « Noëls ! », « Messe de minuit », « La poupée », « Le premier de l'an » et « Les Rois ». Deux ou trois poèmes semblent plus personnels et c’est l’un d’eux que je présente comme extrait.

LE RÊVE DE LA VIE
A vingt ans, poète aux abois,
Quand revenait la saison rose,
J'allais promener sous les bois
Mon cœur morose,
A la brise jetant, hélas !
Le doux nom de quelque infidèle,
Je respirais les frais lilas
En rêvant d'elle.

Toujours friand d'illusions
Mon cœur, que tout amour transporte
Plus tard à d'autres visions
Ouvrit sa porte.
La gloire, sylphe décevant
Si prompt à fuir à tire-d'aile,
A son tour m'a surpris souvent
A rêver d'elle.

Mais maintenant que j'ai vieilli,
Je ne crois plus à ces mensonges :
Mon pauvre cœur plus recueilli
A d'autres songes.
Une autre vie est là pour nous,
Ouverte à toute âme fidèle :
Bien tard, hélas ! à deux genoux,
Je rêve d'elle !


Louis Fréchette sur Laurentiana
Mémoires intimes

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