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3 décembre 2008

La claire fontaine

Englebert Gallèze (Lionel Léveillé), La claire fontaine, Montréal, Beauchemin, 1913, 110 pages.

Comme le suggère le titre, repris en épigraphe, la poésie d’Englebert Gallèze, de son vrai nom Lionel Léveillé, se fait souvent chantante et vogue sur les eaux de la tradition. Plusieurs poèmes sont dédiés à ses confrères avocats et quelques-uns à des poètes : Ferland, Dreux. Le recueil aurait vu le jour grâce à Maître J.-L. Perron, député de Verchères. La Claire Fontaine est son deuxième recueil, Les Chemins de l’âme datant de 1910.

Dans la préface, l’auteur avoue humblement que ses poèmes, écrits « uniquement pour satisfaire un besoin du cœur », sont bien imparfaits et il promet même de ne plus recommencer si telle est la volonté des lecteurs.

Son recueil contient quatre parties que je vais reprendre sommairement.

Canot d’écorce
Je dirais que cette partie, qui contient seulement quatre poèmes, donne une idée d’ensemble du recueil : on trouve beaucoup de nostalgie du temps passé, certains regrets en regard de son parcours de vie, certaines désillusions amoureuses...

Feuille d’érable
Tout ce « chapitre » donne dans le terroir. Il rend hommage à l’habitant (L’habitant), au laboureur (Soir champêtre); il décrit l’importance de transmettre les traditions (Le champ paternel) et certains événements qui animaient la vie à la campagne (Épluchettes).

Chansons
Gallèze aborde des thèmes plus intimes : la fragilité de la vie, les désillusions amoureuses, la tristesse. « Toujours partir pour n’arriver jamais! / Recommencer sans plaisir et sans trêve! / Toujours pousser devant soi quelque rêve! / A des désirs enchaîner des regrets! » Il philosophe sur le sens de la vie, concluant que seules la religion et la promesse d’un « monde meilleur » peuvent calmer son angoisse existentielle. « Si toujours à vos yeux le phare rédempteur / Éclaire la nuit noire / Plaignez ceux qui, sombrés, ont perdu la douceur / D’espérer et de croire. »

La croix du chemin
Le recueil se termine par un long poème d’une dizaine de pages, presque toujours écrit en alexandrins, un poème plus ambitieux, plus grave. Gallèze décrit une démarche, celle d’un homme qui s’est perdu et qui a retrouvé sa voie, grâce à une croix de chemin qu’il associe à sa mère. Il se rappelle ses paroles, son crédo si simple : inutile de chercher la fortune, le pouvoir, la connaissance, « le seul vrai bien, mon fils, c’est d’aimer et de croire ». Le reste du poème développe l’importance de la religion, de l’héritage des aïeux, de la tradition.

Poésie toute simple, proche de la chanson, empruntant à la parabole et à la fable; vers courts, nombreux refrains, poésie sans recherche, donnant tantôt dans le terroir, tantôt dans des thèmes plus universels. Je dirais que la nostalgie d’une innocence perdue, qu’il associe à son enfance heureuse, demeure le principal thème de ce recueil.

OUI, JE ME SOUVIENS
"J'ai perdu ma maîtresse,
Sans pouvoir la retrouver
."

Oui, je me souviens, quand, un soir ensemble,
Chaste comme un vœu qu'on fait à genoux,
Avec l'infini dans ta voix qui tremble,
Tu m'as dit, craintive et douce : " Aimons-nous."

Ce soir m'appartient ! Il n'est point à d'autres !
Devant mon désir tout pencha, soumis.
C'est mon chant d'amour, mon bonheur, le nôtre
Qui remplit la terre et le ciel ravis,

Les arbres, les fleurs, le temps et l'espace
Et l'astre à la glorieuse clarté,
Le jour qui décroît et l'homme qui passe
Nous ont dû leur sainte et calme beauté.

Depuis que mon cœur où l'amour persiste
Par ton regard doux n'est plus protégé,
Que l'espace est gris ! Que la terre est triste !
Sous le ciel chagrin que tout est changé !

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