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17 mai 2024

Les essais rouges

Claude Péloquin, Les essais rouges, Longueuil, Publication Alouette, 1964, 70 p. (Couverture : Guy Lalumiere, Jean-Louis Lamarche)

Le recueil est dédié à Pellan alors que Jéricho l’était à Henri Bosco. Que s’est-il passé en l’espace d’un an pour que la poésie de Péloquin connaisse une telle évolution? Chose sûre, le surréalisme a pris une grande place sur sa table de travail. Et toute trace de lyrisme est disparue.


Péloquin nous avertit, dans une note préliminaire, qu’il ne faut pas pousser trop loin l’investigation : « Il n’y a rien dans cet ouvrage / Qui puisse intéresser, / Il en appelle simplement / À un certain pouvoir d’émerveillement / Et ce à partir de l’oubli… »


S’il est vrai que certains poèmes sont éclatés (le plaisir de faire danser les mots en tous sens) et d’autres construits en partie à partir d’allitérations ou d’assonances, on en trouve quand même qui ont une cohérence sémantique.


Voici cinq motifs que je retiens :

Une attention à l’environnement. Étonnamment, les images liées à la nature sont fréquentes dans le recueil. « Le semeur refait son chant d’un sillon / Avant de remettre les étoiles à leur nuit ». Tout dans la nature est mystère, comme si ce que nous communiquent nos sens n’était que l’antichambre d’un monde supra-sensoriel. « La grande Fresque naît sous le biseau du Voilé ».

Une réflexion sur les « magistrales chevauchées » de la poésie, laquelle implique un voyage dans les « sphères du supra-sensoriel », cher à la contre-culture (le mot n’existe pas en 1964). Il faut accéder au monde de l’Ailleurs, dont « on ne revient jamais tout à fait » : « Seul l’émoi transporte sur les cratères de l’Impossibilité »; « J’ai mis bas la fantasmagorie »; « Je porterai ma face blème / Fière de l’écume des bêtes célestes / Frappées des étoiles sont les nuits / Effleurées de joues creuses / Hippocampes sur la piste des galaxies / Flaques d’îles tout au long / Perpétuel miracle de la rosée à son herbe »; « Le Songe… ce beau Doute après l’Appel / Ce beau Risque au hasard de l’arrière-chose ». L’abondance des majuscules donnent à penser que les mots sont plus que des mots, qu’ils recouvrent des référents qui nous échappent. Un peu comme les portes d’un monde ésotérique.

Une critique de la vie raisonnable : « Vivre comme un papillon porte une rançon / Soit celle de sentir se consumer en soi / L’instinct légué par les bêtes »; Ou : « Blême un peu plus ce matin / Celui qui ne fut pas fasciné hier »; « J’assiste les mesquins que je pends sans sépulture // Ces mi-mort mi-souffle de deux heures au vent repu / Ces entre-riens où c’est l’Absence même que l’on tient / Souffrant de jouer à être à la mi-temps de l’existentiel ».

Un certain mal-être : « Un mal de poitrines creuses / Remplies d’araignées en rut / Un mal de toutes les gares / Un mal au sang d’être rouge / Marasme de limace tout autour / Ai mal au froid même d’une neige / Qui se meurt goutte-à-goutte / Mal d’un mal qui s’apprend / Mal dont on fend ».

Le thème érotique-amoureux (voir l’extrait).


Péloquin n’a pas laissé une grande trace littéraire, si je me fie aux spécialistes de L’histoire de la littérature québécoise (Biron et all.) qui n’ont même pas mentionné son nom. On peut certes dire qu’il est un précurseur d’une certaine contre-culture.

Pour en savoir plus sur l’importance de Péloquin : André G. Bourassa, Surréalisme et Littérature québécoise, Montréal, L’Étincelle, 1977. Pour un aperçu de sa démarche, lire l’entrevue qu’il a donnée à Chamberland en 1966 (Parti-pris, avril 1966, p. 38-45).

 

LA RESPECTUEUSE

Il y avait le pastis de ses hanches pleines

Qu’on a cent fois redit

Bien plus souvent que la pluie

Et le creuset des ans

J’ai navigué dans ce cou

Me suis fait marin sur sa main

Tatouage mauve à son sein

Complice d’un jeu étrange

Qui recouchait le soleil

Pour une fois encore avant le jour


Claude Péloquin sur Laurentiana

Jericho

Manifeste infra

Les essais rouges

Les mondes assujettis (à venir)

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