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21 décembre 2023

La bûche de Noël

Longtemps, Jacqueline resta à la fenêtre, le regard perdu dans le lointain.

La nuit bleue était scintillante d'étoiles. La lune dorait les champs endormis, moirait de reflets chatoyants la parure blanche de la campagne et versait les rayons de la lumière sur la neige de la route.

— La nuit est claire et belle, se dit Jacqueline. Pourtant, il fait noir dans mon cœur ! et la jeune fille ne put retenir deux larmes qui mirent un brouillard d'argent au fond de ses yeux noirs.

L'histoire de Jacqueline était un poème d'amour et d'espérance écrit dans le coin bleu de ses rêves de jeunesse : Antoine l'avait aimée, elle avait aimé Antoine. L'amour s'était éveillé dans leurs cœurs comme s'éveille au mois de mai, la printanière floraison des muguets.

Le temps ayant suivi son cours sans avoir, de sa main souvent cruelle, effleuré la fleur précieuse qui charmait leur vingt ans, Jacqueline était devenue la fiancée d'Antoine.

Avant de s'engager, la jeune fille avait loyalement déclaré à son ami que l'amour de la terre était la force de celui qu'elle lui portait, et que leur mariage n'aurait lieu que lorsqu'il aurait racheté la ferme paternelle, dont la longue maison blanche veillait là-bas, solitaire, sur le bord du chemin.

Pris soudain de la nostalgie des bonheurs d'autrefois, en mettant au doigt de Jacqueline sa bague de fiancée, Antoine avait promis que dans trois ans, la bûche de Noël brûlerait dans la cheminée de la grande salle de SA ferme.

Depuis trois ans, la jeune fille vivait de l'attente de cette veille de Noël. Et elle dont les semaines et les mois n'avaient jamais ébranlé la confiance, elle tremblait maintenant devant les quelques heures qui ajoutaient des craintes à son anxiété.

L'horloge sonna neuf heures. Le regard de Jacqueline chercha tristement la silhouette d'Antoine dans l'allée couverte de rayons. Rien ! Rien que l'ombre de la maison qui s'allongeait sur la blancheur du jardin.

Cette ombre pesa sur son cœur comme un brouillard glacé. L'horizon rose de son rêve pâlit, se fit lointain, à peine perceptible. En se dérobant, il parut sombrer dans un gouffre noir. Le cœur angoissé, la jeune fille tendit la main en avant comme pour saisir son bonheur qui fuyait.

Mais les chants de joie des grelots, au loin s'éparpillaient en sons argentins et venaient jusqu'à la jeune fille, lui apportant la douceur de l'apaisement. Ces voix joyeuses étaient maintenant pour elle des chants d'espérance, ceux mêmes de son rêve, et elle sourit.

— J'ai confiance, dit-elle avec ferveur. Antoine a promis...

* *

Onze heures. Les cloches sonnaient leurs joyeuses volées dans la nuit scintillante d'étoiles. Elles sonnaient la joie du monde entier, l'approche de l'heure de paix et d'amour qui, en cette nuit, descend sur la terre, comme autrefois sur les montagnes de Bethléem.

Elles sonnaient aussi le bonheur de Jacqueline, entre les mains de laquelle Antoine venait de glisser l'acte de rachat de la terre paternelle, en murmurant : « J'avais promis Jacqueline. Demain, la bûche de Noël brûlera dans la cheminée de NOTRE ferme. »

(Marjolaine, Gerbes d’automne, 1928, p. 118-119)


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