18 décembre 2020

Apologies (Dugas)

Marcel Dugas, Apologies, Montréal, Paradis-Vincent, 1919, 10 pages.

Dugas, dans son style plus lyrique qu’analytique, nous présente une critique littéraire de cinq « figures qui [lui] furent chères » : Albert Lozeau, Paul Morin, Guy Delahaye, Robert de Roquebrune et René Chopin.

Albert Lozeau

« Après la sarabande de nos romantiques orgiaques et sans génie, M. Lozeau nous apportait une nouveauté d’émotion d’une qualité louable: la décence se joignait à la force de sentir. Rien d’un poète orateur qui se perd dans le flux des métaphores et pour qui l’image banale semble le fin du fin. Un filon venait d’être découvert! »

Paul Morin

« M. Paul Morin aime les mots, il les cajole, il s’enthousiasme devant eux. Il pousse cet amour jusqu’à une sorte de passion frénétique. Partout dans ses vers le mot rare est cherché et conquis. M. Morin triomphe et sa patience rit, s’amuse, semble trépigner. Pour exprimer son rêve et ses désirs d’horizons étrangers, de villes dont les pieds de marbre trempent dans la moire opaline des eaux frissonnantes, pour dire la gloire du Paon, si beau, si lumineux dans sa robe, il veut des mots nobles, il lui faut des syllabes pleines de musique. »

Guy Delahaye

« Ce que j’aperçois encore au fond de cette poésie, c’est la beauté de l’orgueil, l’organisation des mots dans des moules étroits, l’esprit qui surveille le cœur, un troupeau de phrases qui gémissent sous le knout impitoyable de la raison. / Ce poète se meurt, en effet, de géométrie, de raison, de diathèse et de médecine. Et il y a, heureusement, à côté de ses systèmes dont il est un orgueilleux accablé, la vie avec ses anarchies inéluctables, et parfois délicieuses. »

Robert de Roquebrune

« À  propos de L’Invitation à la vie. — Il naît, au monde des lettres, en un tourbillon de mots qui veulent célébrer la vie. Et il se chante à travers elle, en de beaux accents lyriques que presse une âme débordante de sève, de fraîcheur et d’avenir. Rien, dans son ensemble, qui décèle l’inquiétude, les angoisses, la sombre face de la mort: ce sont des rythmes précipités qui battent en une poitrine ravie d’absorber le jour; c’est un chant continu où éclatent le désir et le bonheur; c’est un cri aigu de cerf en liberté. »

René Chopin

« M. René Chopin s’élance sur les routes de la terre. Le permanent sous tous les cieux, il nous le cherche et, ce beau captif palpitant, il nous l’apporte dans ses bras fraternels. Sa valeur, c’est de s’arracher de son temps et de voir, au-dessus des limites d’une nation, le tableau universel. Il y a des vérités morales, intellectuelles, qui sont d’hier et d’aujourd’hui: elles ne connaissent pas de climat, de milieu, de pays. L’âme et ses passions reste la même partout: ce qui la nourrit, l’élève ou l’abaisse, ce qui la rend identique à ce qu’elle était jadis, ses capacités d’adorer ou de haïr, sa volonté de puissance et ses fléchissements en présence du désir et des sortilèges voilà un domaine que veut connaître le poète de Montréal. »

Dans son « voyage à travers ses souvenirs », Dugas s’oppose au nationalisme terroiriste défendu par l’abbé Roy et défend le modernisme, tel qu’on le concevait à cette époque : « L’avenir est dans la recherche, l’examen, les tentatives audacieuses, les négations d’hier. »

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