21 octobre 2020

Stances à l’éternel absent

Jeannine Bélanger, Stances à l’éternel absent, Hull, les Éditions de l’Éclair, 1941, 150 p.

Le recueil est dédié à ses parents. Commençons par la préface. « L’auteur de ce recueil n’a jamais eu l’ambition de révéler des formules d’art. Une femme en est incapable. » Le topos de la modestie est un grand classique dans la poésie du début du 20e siècle, mais ici on vient de lui donner un genre ! Après avoir décrit sa démarche poétique, du vers libre au vers classique, elle signale « l’anomalie » que constitue la fréquentation de la poésie dans un monde en guerre. « Comment rester sereins devant ces blessures qui nous transpercent ? La France vaincue c’est tout ce que, dans la poésie et dans la vie, nous avions de plus cher, c’est tout ce que nous tenions en plus haute estime qui s’écroule pour un temps ou qui s’anéantit ! »

Le recueil compte six parties. « Petites stances », « Vers pour une enfant », « Cinq lieder », « Les stances », « Divers poèmes », « Et cinq poèmes de mon pays guerrier ».

Dans la première partie (Petites stances, Vers pour une enfant), Belanger nous sert des petits tableaux plutôt fantaisistes dans lesquels priment l’exaltation de la nature, sa beauté. Il ne faut pas y chercher de grands messages, c’est plutôt la recherche d’une forme très chantante qui semble intéresser l’autrice. Le vers est court, très rythmé. À titre d’exemple, le poème intitulé « Désir » : « Être le pli fugace / De la source / L’onde / Qui fuit, / Dont la pâleur / Agace / L’ombre / De la nuit ! » Comme on le constate, rien de transcendant, sinon la recherche d’un rythme, d’une harmonie sonore. Dans sa préface, Bélanger écrivait : « Car, ne l’oublions pas, dans l’ordre de la forme, c’est le tympan – et non la rétine – qui est le principal, l’unique critère de l’harmonie et de l’orthodoxie des vers. »

Dans la partie centrale (Cinq lieder, Stances), on entre dans les poèmes amoureux. Un amour difficile, puisque l’amoureux semble constamment lui échapper : « Ne me repousse pas, tu n’en as pas le droit : / Car ton âme est mon âme, et ma vie, c’est la tienne. / Je suis à toi, je suis à toi, je suis à toi. » « Vous reviendrez un jour, j’en ai la certitude, / Avec un abandon plus doux qu’un repentir ». 

Enfin, dans la dernière partie (Divers poèmes, Et cinq poèmes de mon pays guerrier), l’autrice sur un mode très lyrique nous plonge dans la détresse qui l’habite. Il y a encore le sentiment de l’amour perdu, mais aussi la recherche d’une consolation. Dans le poème intitulé « Prière », tout se passe comme si la figure du fiancé perdu était transfigurée pas sa foi : « C’est lui en Toi, bouquet du soir, parfum de roses, / Pour me bercer heureuse à l’ombre de Son cœur ! » Dans les poèmes qui viennent clore le recueil, la guerre n’est tout au plus qu’une autre image de sa douleur, du vide, de la solitude.





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