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10 avril 2020

Thermidor

Guy Gervais, Thermidor, Montréal, édition de l’Alicante, 1958, 27 feuillets sous couverture rempliée.

Guy Gervais, né à Montréal en 1937, n’avait que 21 ans lorsqu’il publie ce recueil, et il en était déjà à son second livre, Le froid et le fer ayant été publié en 1956.

Le livre est sous une couverture repliée. Les feuillets ne sont pas paginés, ni titrés, donc impossible de connaître l’ordre des poèmes de l’édition originale. Le papier est de qualité et on doit le fond sur lequel sont imprimés les poèmes aux Ateliers Pierre Guillaume.

Pour se faire une idée de la manière et de la matière du recueil, on va se concentrer sur ce poème choisi au hasard.

au souffle mûri des lacs révulsés
survient l’envol incendié lourd
et la curieuse pluie roidissante des fièvres
le corps suri, la mer sans repos des sables
la mort d’eau de l’iris
au vent de l’os stérile médullaire des lassitudes
cuire jusqu’au silice d’assouvissement
crouler où l’amer frisson induisant les soifs nues réclusives
le sel prasin sous la peau solitaire
pour le vertige hurlant de l’équinoxe dissout autant que la jeune vive »

pour férir sans rose
après l’empyème désertique
après, l’éphémère imprégné d’odeurs
la constance d’éther cru

On le comprend, il s’agit de choisir des mots, de préférence des adjectifs, qui désignent ou connotent des situations fortes, pour donner du poids à son discours : « révulsés, envol, incendié, fièvres, mer, mort, stérile, silice, crouler, vertige, hurlant ». On malmène la syntaxe et on refuse tout enchaînement logique. On réunit verbalement ce que le réel sépare. Au final, on obtient un texte qui cultive l’amalgame, les paradoxes, le non-sens.

On pourrait penser que le poète veut seulement signifier un mal-être qu’il n’arrive pas à nommer. On comprend que l’eau et le feu ne font pas bon ménage et qu’ils témoignent ici de la difficulté de sa quête, celle-ci bien mal définie. Mais comment un lecteur peut-il se projeter dans un tel texte? 

Le mot « Thermidor » évoque la révolution. Je ne crois pas qu’il y ait de révolution dans ce recueil. Il y a surtout un grand désir de se démarquer, de s’éloigner de tous les poncifs connus, de se laisser aller à toutes les expérimentations, ce qui n’est pas mal en soi. Gauvreau recherchait aussi cette différence, mais sa poésie produisait beaucoup de sens, ce qui n’est pas le cas de Thermidor.

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