LIVRES À VENDRE

9 août 2019

Du soleil sur l'étang noir


Ulric-L. Gingras, Du soleil sur l'étang noir, Montréal, Éditions Albert Lévesque, 1933, 180 pages. (Bois gravés de Rodolphe Duguay)

La présentation du recueil est très soignée : papier de qualité, illustration en frontispice, vignette au début de chacune des parties et qualité des bois de Duguay. En 1934, Du soleil sur l'étang noir s’est mérité le prix Archon-Despérouses et la bourse de 500 F offerte par l’Académie française. Le titre de chacune des six parties est bien choisi. Le livre est dédicacé à quelques personnages bien connus : Jacques Bureau, Albert Tessier, Gonzalve Desaulniers, Maurice Duplessis et Alphonse Désilets. En exergue, on lit : « Ce livre sans prétention, où le beau n’est représenté que par l’amour si fervent que je porte aux choses du terroir. » Du point de vue formel, on  trouve quelques sonnets et quelques rondeaux, mais la plupart des poèmes sont de forme libre mais écrits en alexandrins.

Les sentiers illusoires
Poèmes d’inspiration romantique : la solitude, la mélancolie du soir, le temps qui passe, les saisons qui meurent… « Les derniers chars de blé sont rentrés au village.  / C'est l'heure mauve et calme où se meurt un beau jour / Qui fut tout de soleil, de travail et d'amour; // Solitaires, les toits semblent se recueillir / Au fond du val baigné de paix et de lumière. » (Champêtreries)

Gouaches roses et croquis verts (dédié à Clément Marchand)
Série de petits tableaux champêtres, légers,  écrits en octosyllabes. Dans plusieurs poèmes, un oiseau, un insecte ou un batracien animent le tableau : « Avec son petit goitre blanc, / Ses gros yeux couleurs d'émeraude / Où toujours l’hébétude rôde, / Le soir venu, battant du flanc, / Le crapaud s'attarde et maraude. «  (Le paria)

Sur la route fervente
Le poète pleure une déception amoureuse, a le sentiment que le temps des amours est passé et que seul un retour au pays de l’enfance peut lui procurer le bonheur : «  Je pose, en évoquant l'image du passé, / Ma lèvre où le désir d'autrefois vient renaître.  // Et je t'aime encor plus d'un amour virginal / Dont je n'ai jamais su me défendre et me taire » (Sur une lettre)

Les rimes retrouvées (pour Alfred Desrochers)
Les poèmes ont tous comme thème la nature, mais dans un style qui emprunte davantage au parnasse qu’au romantisme : « L'hiver, à coups rageurs, cingle de sa lanière / Le corps du jour en croix sur le ciel charbonneux. / Le soleil s'emmitoufle en un halo frileux / Que réfléchit la neige ainsi qu'une verrière. » (Sonnet d’hiver)

Au jardin clos du rêve (pour Robert Choquette)
Dans le premier poème, un vieux pigeon pleure sur sa jeunesse perdue et par défi, « lance le cri de sa détresse ». Pour le poète qu’il est devenu, « Faire un vers », « C’est dérober à l’œil un peu de sa tristesse / Et s’enivrer du vin amer de sa douleur ». Bref, amertume, déceptions, sentiments d’échec…

Dans la lumière natale
On peut y lire un hommage aux aïeuls, mais aussi l’amour qu’on éprouve pour un lieu où l’on vit depuis longtemps, la tendresse pour ceux et celles (et même les bêtes) qui l’ont partagé : « Le paysan se meurt. Mais avant de quitter / Ce petit coin du sol dont il était le maître, / Dans la clarté du jour, auprès de la fenêtre,  / Émus, deux de ses fils sont venus le porter. // Autour de lui la paix règne angoissante et lourde.  / Une dernière fois il a voulu revoir / Le verger, le rasis et, près de l'abreuvoir, / Ses grands bœufs dont la voix monte lointaine et sourde. » (Dernier exorde). Bien entendu, le poète se voit en quelque sorte porteur de ces sentiments, comme l’exprime la fin du recueil : « Et quand les paysans, de frais endimanchés, / Descendront vers la ville, aux jours de grands marchés, / Longeant la haie en fleurs de l'étroit cimetière / Où, près des miens, j'irai dormir ma nuit entière, / Ceux-là qui m'ont connu me devront cet aveu / D'avoir, d'un coeur fervent, toujours chanté pour eux . . . » (Finale idéaliste)

Sur Rodolphe Duguay



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