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6 octobre 2017

Mademoiselle Sérénité


Moisette Olier (Corinne P. Beauchemin), Mademoiselle Sérénité, Trois-Rivières, Le Nouvelliste, 1936, 210 pages.

Lors des fêtes du tricentenaire de leur ville, les Trifluviens accueille une délégation française. Parmi eux, se trouve un journaliste qui apprend à Michelle Beauregard que son amoureux, parti étudier en France, a convolé en justes noces. Elle est atterrée. Dans une lettre qui tarde à venir, son amoureux lui explique qu’il la quitte pour son bien. Selon lui, c’est l’amitié plutôt que l’amour qui les lie : « Pauvre petite Michelle! Comprends-tu tu n’as jamais éprouvé rien de tel pour ton vieux Louison et que tu étais absolu­ment incapable de ne jamais ressentir au­tre chose qu’une patiente tendresse pour celui qui voulait être ton compagnon de route?... Qui sait si ton affection ne se se­rait pas changée en résignation un jour ou l'autre?... Si, à la longue, je ne serais pas devenu un boulet à ton pied?... Et qui sait si ta grande supériorité morale n’aurait pas fini par me peser, me désespérer, ou m’in- disposer contre toi?... Cela ne s’est-il pas déjà vu dans les ménages où l’homme se sentait inférieur à son épouse?... » 

Blessée dans son orgueil, diminuée par cet abandon, elle craint par-dessus tout qu'on la prenne en pitié. La nouvelle ne s’étant pas encore répandue, elle continue de participer à la vie sociale (sorties de groupe, guidisme catholique, cercle patriotique) et elle est même courtisée par Jérôme, le copain de son amie Pierrette. Elle décide de partir en voyage pour quelques semaines chez une tante à New York. Au retour, qui est-ce qui l’attend à la gare de Montréal et lui offre de la ramener chez elle? Jérôme. Les deux se fréquentent de façon discontinue. Elle se découvre follement amoureuse de cet ingénieur qu’elle avait imaginé à tort dénué de toute sensibilité artistique.

Je gravis les marches du perron com­me pour m’arracher à ma joie trop arden­te, mais je laissai traîner une de mes mains derrière moi, dans les siennes. J’étais bou­leversée. Mon émotion était mêlée de hon­te d’accueillir si avidement l’amour... mais d’une honte bienheureuse. Je ressentais dans tout mon être un déchirement délici­eux...
— Bonsoir, Jérôme, dis-je avant d’ou­vrir la porte. Il est l’heure de souper, je ne vous invite pas à entrer, je me sens un peu étourdie. Venez me voir plus tard... sou­vent... et ne vous tourmentez pas au sujet du docteur Richard.
J’avais fini ma phrase dans un murmure. Jérôme dut croire que quelque chose se brisait en moi au moment de rejeter dans une nuit éternelle mon premier amour. Il pressa ma main avec une émotion brusque.
J’entrai précipitamment et refermai la porte sans bruit. Mais je ne pus aller plus loin. Je restai là, étouffée de joie, le regard enchaîné à cette grande ombre mouvante qui s’éloignait en emportant mon cœur. (p. 163-164}

Le Carnet du Flâneur
Pierrette, que Jérôme n’a fréquentée que pour se rapprocher de Michelle (c’est ce qu’il dit),  réussit à les brouiller momentanément, mais leur amour finit par triompher. 

Ce roman sentimental fait peu de place au courant régionaliste de la Mauricie, ce qu’on retrouvait davantage dans Cha8inigane (1934) et Étincelles (1936). On évoque rapidement les fêtes du tricentenaire et c’est à peu près tout.  Moisette Olier se rapproche davantage des jeunes auteurs des années 30 publiés chez Albert Lévesque : Éva Sénécal, Jovette Bernier (dans la collection « Les romans de la jeune génération »).  Le roman est raconté au je, ce qui permet d’entrer dans la psychologie de l’héroïne, une jeune femme instruite, cultivée (elle lit les auteurs français et québécois, visite les musées et adore la musique classique). L’analyse psychologique, qui n’écrase pas la narration, me semble assez juste et les réflexions de l’auteure sur l’amour, sans être neuves, sont souvent réfléchies. Olier décrit une facette importante de la condition féminine de l’époque : une jeune fille jouait son avenir dans le choix d’un mari. Ironiquement, c’était peut-être encore plus vrai chez les bourgeois que chez les paysans.


Moisette Olier sur Laurentiana
Mademoiselle Sérénité

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