27 janvier 2017

Clairière

Maurice Constantin-Weyer, Clairière. Récits du Canada, Paris, Stock, 1948, 253 p. (Première édition 1929)

J’ai déjà blogué deux livres de Maurice Constantin-Weyer : Manitoba et Un homme se penche sur son passé, prix Goncourt 1928. Clairière n’apporte rien de neuf, Constantin-Weyer développant toujours les mêmes thèmes, la même idéologie.  

Clairière n’est pas à proprement parler un roman. C’est le récit descriptif d’un Français solitaire, sans femme et ni enfant, établi au Manitoba, qui possède un cheptel de bêtes à cornes qu’il laisse errer dans les prairies et quelques chevaux. Il ne parle à peu près pas des travaux agricoles et des animaux d’élevage. Tout au plus raconte-t-il qu’il arrive qu’une bête s’écarte du troupeau et qu’il doive la ramener au bercail. Ce qui l’intéresse, c’est la grande nature sauvage, l’observation des animaux, la chasse et la pêche. Il porte aussi une grande attention à la nature, surtout aux phases de transition (l’aube, le crépuscule, le printemps, l’automne), aux changements atmosphériques, aux différentes variations de la lumière, sur l’eau, sur la neige, au-dessus de la forêt.

Et les humains? Ils sont rares. Une famille de Métis vit avec lui sur son domaine s’occupant de menus travaux contre une maigre rétribution. Le narrateur, paternaliste, affiche une sympathie condescendante face à ce peuple, qui parfois frôle le mépris : « Avec un homme blanc, je me serais fâché. Mais Patrice n'était pas un homme blanc. Il appartenait à une race mêlée que je connaissais bien, et, lorsque j'avais accepté de louer- son travail, j'avais tacitement aussi accepté de louez les défauts de Patrice. Je le savais ivrogne, paresseux et menteur. » Il a juste un peu plus de sympathie pour un grand chef Sioux, fier mais alcoolique, qui vient le visiter et à qui il fait dire : « Car il n'est pas bon que l'homme qui appartient à une race prenne pour femme celle qui appartient à une race différente, et ce fut l’origine de tous nos malheurs. »

Constantin-Weyer développe une conception assez primitive du monde : les plus forts mangent les plus faibles, les boucs s’affrontent pour les femelles et le perdant, blessé, est dévoré par les loups.  « Au surplus, à peine entré dans la forêt, je mettais eu doute l'innocence même du printemps ! Qui donne la vie, donne la mort. Toute la nuit, tant de soupirs d'amour ont annoncé que les bêtes allaient préparer une descendance, comme elles prédestinée au meurtre et à la mort. Pourquoi s'en affliger ? » De même, sa conception de la chasse nous apparaît intenable en regard de nos sensibilités contemporaines. Tuer des animaux, bien sûr pour se nourrir ou pour leur peau, mais aussi pour obéir à un vieil atavisme : tuer ou mourir. On comprend mal que le narrateur tue une femelle ours pour capturer son petit, pour le vendre éventuellement à un cirque. Comme il vit seul, on comprend mal son besoin de tuer autant d’animaux. « Un matin, dans le ciel gris, les oies, les canards et les grues s'enfuyaient à tire-d'aile des pays du Nord, emplissant un ciel brumeux de leurs vulgarités cosmopolites. Le plus souvent, le vent les forçait à voler très bas, et mon fusil de chasse les saluait au passage. »

Sans doute, désireux de plaire au public français qui venait de lui décerner le Goncourt, il appuie fortement sur le personnage du héros romantique, perdu dans la grande solitude nordique,  qui prend plaisir à mettre sa vie en danger, ne serait-ce pour lui permettre de se surpasser, et qui déménage, plus à l’Ouest plus au Nord, dès que la « civilisation » menace sa liberté. Ce qui sauve ce livre, c'est son écriture.

Extrait
L’homme arrive, mon semblable, avec tout l’arsenal de cette discipline dont je viens de reconnaître la souveraineté, et je ne songe plus qu’à fuir ces lieux. Je sais, dans le Nord-Ouest, d’autres espaces plus sauvages, où l’on ne sent point les coudes de ses voisins. On n’y verra point — comme je le faisais ce soir, au crépuscule — monter à un mille de là la fumée ambre et turquoise d’un campement de Bretons à la recherche de quelques acres de bonne terre. On n’entendra pas, l’hiver, le bruit de la hache qui sonne contre les arbres gelés, ni le tintement rythmé des grelots des chevaux attelés au traîneau, ni les jurons des charretiers, ni l’aboiement lointain d’un colley qui garde le champ de son maître contre les déprédations des vaches, ni les coqs qui se répondent dans le brouillard du matin.

Ce que je sais, dans le Nord-Ouest, c’est une épaisse forêt de trembles, de bouleaux et d’épinettes, à l’ombre de laquelle dorment des prairies bleues et des étangs couleur de ciel. Les loups y répondent aux loups, et les orignaux s’y battent à mort dans les salines. » (p. 250-251)

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