Maurice
Constantin-Weyer, Clairière. Récits
du Canada, Paris, Stock, 1948, 253 p. (Première édition 1929)
J’ai déjà blogué deux livres
de Maurice Constantin-Weyer : Manitoba et Un homme se penche sur son passé, prix Goncourt 1928. Clairière n’apporte rien de neuf,
Constantin-Weyer développant toujours les mêmes thèmes, la même idéologie.
Clairière n’est pas à proprement parler un roman. C’est
le récit descriptif d’un Français solitaire, sans femme et ni enfant, établi au
Manitoba, qui possède un cheptel de bêtes à cornes qu’il laisse errer dans les
prairies et quelques chevaux. Il ne parle à peu près pas des travaux agricoles
et des animaux d’élevage. Tout au plus raconte-t-il qu’il arrive qu’une bête
s’écarte du troupeau et qu’il doive la ramener au bercail. Ce qui l’intéresse,
c’est la grande nature sauvage, l’observation des animaux, la chasse et la
pêche. Il porte aussi une grande attention à la nature, surtout aux phases de
transition (l’aube, le crépuscule, le printemps, l’automne), aux changements
atmosphériques, aux différentes variations de la lumière, sur l’eau, sur la
neige, au-dessus de la forêt.
Et les humains? Ils sont
rares. Une famille de Métis vit avec lui sur son domaine s’occupant de menus
travaux contre une maigre rétribution. Le narrateur, paternaliste, affiche une
sympathie condescendante face à ce peuple, qui parfois frôle le mépris : « Avec
un homme blanc, je me serais fâché. Mais Patrice n'était pas un homme blanc. Il
appartenait à une race mêlée que je connaissais bien, et, lorsque j'avais
accepté de louer- son travail, j'avais tacitement aussi accepté de louez les défauts de Patrice. Je le savais ivrogne, paresseux et
menteur. » Il a juste un peu plus de sympathie pour un
grand chef Sioux, fier mais alcoolique, qui vient le visiter et à qui il fait
dire : « Car il n'est pas bon que l'homme qui
appartient à une race prenne pour femme celle qui appartient à une race
différente, et ce fut l’origine de tous nos malheurs. »
Constantin-Weyer développe une
conception assez primitive du monde : les plus forts mangent les plus
faibles, les boucs s’affrontent pour les femelles et le perdant, blessé, est
dévoré par les loups. « Au surplus, à peine entré dans la forêt,
je mettais eu doute l'innocence même du printemps ! Qui donne la vie, donne la
mort. Toute la nuit, tant de soupirs d'amour ont annoncé que les bêtes allaient
préparer une descendance, comme elles prédestinée au meurtre et à la mort.
Pourquoi s'en affliger ? » De même, sa conception de la chasse nous apparaît intenable en regard
de nos sensibilités contemporaines. Tuer des animaux, bien sûr pour se nourrir ou pour leur peau, mais aussi pour obéir à un vieil atavisme : tuer ou
mourir. On comprend mal que le narrateur tue une femelle ours pour capturer son
petit, pour le vendre éventuellement à un cirque. Comme il vit seul, on
comprend mal son besoin de tuer autant d’animaux. « Un matin,
dans le ciel gris, les oies, les canards et les grues s'enfuyaient à
tire-d'aile des pays du Nord, emplissant un ciel brumeux de leurs vulgarités
cosmopolites. Le plus souvent, le vent les forçait à voler très bas, et mon
fusil de chasse les saluait au passage. »
Sans doute, désireux de plaire
au public français qui venait de lui décerner le Goncourt, il appuie fortement
sur le personnage du héros romantique, perdu dans la grande solitude
nordique, qui prend plaisir à mettre sa
vie en danger, ne serait-ce pour lui permettre de se surpasser, et qui déménage,
plus à l’Ouest plus au Nord, dès que la « civilisation » menace sa
liberté. Ce qui sauve ce livre, c'est son écriture.
Extrait
L’homme arrive, mon semblable,
avec tout l’arsenal de cette discipline dont je viens de reconnaître la
souveraineté, et je ne songe plus qu’à fuir ces lieux. Je sais, dans le
Nord-Ouest, d’autres espaces plus sauvages, où l’on ne sent point les coudes de
ses voisins. On n’y verra point — comme je le faisais ce soir, au crépuscule —
monter à un mille de là la fumée ambre et turquoise d’un campement de Bretons à
la recherche de quelques acres de bonne terre. On n’entendra pas, l’hiver, le
bruit de la hache qui sonne contre les arbres gelés, ni le tintement rythmé des
grelots des chevaux attelés au traîneau, ni les jurons des charretiers, ni
l’aboiement lointain d’un colley qui garde le champ de son maître contre les
déprédations des vaches, ni les coqs qui se répondent dans le brouillard du
matin.
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